En Italie, le Mouvement 5 étoiles et la Ligue prolongent leurs négociations
En Italie, le Mouvement 5 étoiles et la Ligue prolongent leurs négociations
Par Jérôme Gautheret (Rome, correspondant)
Les deux formations victorieuses aux législatives du 4 mars ont buté lundi sur le profil politique et l’identité d’un président du Conseil.
Luigi Di Maio, dirigeant du Mouvement 5 étoiles, et Matteo Salvini, chef de la Ligue. / TIZIANA FABI / AFP
Une fois de plus, rien ne s’est passé comme prévu. Au terme de trois journées de négociations pied à pied et de professions d’optimisme, la journée de lundi 14 mai devait être celle des effusions. Après un ultime tour de consultations mené par le président de la République, Sergio Mattarella, au palais du Quirinal, les deux vainqueurs des législatives italiennes du 4 mars, la Ligue (droite souverainiste) et le Mouvement 5 étoiles (antisystème), devaient rendre publics les termes de leur alliance. Et le président de la République devait désigner le candidat investi à la présidence du Conseil.
Un dénouement attendu, mettant un terme à une crise post-électorale de plus de deux mois pour, redoutent ses voisins, mieux plonger dans l’inconnu la troisième économie de la zone euro. Pourtant, lorsque, peu après 17 heures, le jeune dirigeant du Mouvement 5 étoiles (M5S), Luigi Di Maio, s’est avancé devant la presse, flanqué comme à l’habitude des deux chefs de groupe du mouvement au Parlement, le ton s’est soudain fait nettement plus prudent.
« Avec Matteo Salvini [dirigeant de la Ligue], nous sommes d’accord pour ne pas évoquer de noms en public », commence Luigi Di Maio, manière de dire qu’en privé les deux dirigeants parlent surtout de ça, avant de demander « quelques jours » de plus pour finaliser l’accord, et organiser un vote sur Internet des adhérents du mouvement. « Il y a des échéances internationales qui nous imposent de faire vite, poursuit-il, mais nous écrivons un programme de gouvernement pour les cinq prochaines années, pas un contrat de location. »
Une heure plus tard, quand arrive le tour de Matteo Salvini, le ton se fait encore plus prudent. « Nous faisons des efforts considérables pour donner un gouvernement stable à ce pays, parce que, si nous devions raisonner selon nos intérêts et les sondages, la Ligue devrait être la première (…) à demander de retourner aux urnes », commence-t-il, dans une menace à peine voilée de rompre les négociations pour appeler à un nouveau vote.
Et le chef de la Ligue de se lancer dans un inventaire de tous les points de désaccord existant entre les deux partis, non sans avoir rappelé les positions très anti-européennes de son mouvement : « Ou je réussis à faire naître un gouvernement qui rediscute nos engagements avec l’Europe, ou tout cela n’est qu’un rêve. » Enfin, comme pour ne pas être en reste face à la promesse du M5S de soumettre un éventuel accord à ses militants, M. Salvini s’est engagé à organiser une consultation publique, à la fin de la semaine.
Ainsi donc, subitement, les deux dirigeants semblent avoir choisi la prudence, au moment même où la situation nécessiterait, de la part de chacun, d’être prêt aux compromis les plus douloureux. Luigi Di Maio et Matteo Salvini l’ont fait de manière différente, le dirigeant du Mouvement 5 étoiles cherchant à apparaître comme un dirigeant responsable, conscient des engagements internationaux du pays, poursuivant ainsi la stratégie d’« institutionnalisation » du M5S commencée il y a maintenant plusieurs mois.
De son côté, M. Salvini poursuit ses attaques contre Bruxelles et les diverses institutions, réclamant par ailleurs « les mains libres » sur la sécurité et l’immigration, thèmes sur lesquels la Ligue soutient des positions particulièrement extrémistes.
Problème insoluble
Le nœud de l’affaire, au-delà des désaccords programmatiques – tel qu’il est annoncé, le « contrat » entre les deux parties est trop vague pour créer d’opposition –, semble bien être la personne du futur président du Conseil. L’affaire est d’autant plus complexe qu’elle n’engage pas que la Ligue et le M5S, mais également le président de la République, Sergio Mattarella, à qui incombe la responsabilité de donner l’investiture.
Ce dernier cherchait, ces derniers jours, à imposer une personne « neutre » au profil de technicien, mais les deux dirigeants ont repoussé cette éventualité, préférant rechercher des profils « politiques », lesquels se heurtent immanquablement au veto de l’un ou de l’autre.
Ainsi posée, la recherche d’un chef de gouvernement s’apparente de plus en plus à un problème insoluble. Le président, Sergio Mattarella, a accordé quelques jours supplémentaires aux deux dirigeants. En cas d’échec, le retour aux urnes paraît inévitable.