Cannes 2018 : « Woman at War », un « Peau d’âne » de l’écologie
Cannes 2018 : « Woman at War », un « Peau d’âne » de l’écologie
Par Clarisse Fabre
Entre conte et film de super-héros, l’Islandais Benedikt Erlingsson signe un long-métrage à l’humour décalé, projeté à la Semaine de la critique.
Woman at War (Kona fer i strid) n’est pas seulement un film de super-héros converti à l’environnement. En l’occurrence, une super-héroïne qui n’a plus 20 ans, incarnée par une comédienne impressionnante dont le nom, islandais, l’est tout autant : Halldora Geirhardsdottir. Le deuxième long-métrage de l’Islandais Benedikt Erlingsson, sélectionné à la Semaine de la critique, est un conte politique qui ne se prend pas au sérieux. « Il n’y a pas de sexe, et pas de sang », avait prévenu pince-sans-rire le réalisateur, auteur de Des chevaux et des hommes (2013).
C’est l’humour décalé de ce film, servi sur un plateau de l’Islande par l’actrice au regard limpide comme un torrent, qui en fait tout le sel – on ne dira pas d’aluminium. Halla, la cinquantaine, se bat contre un géant de l’aluminium justement, qui dénature le sublime paysage de lande et pollue sa terre. A l’aide d’un simple câble télescopique, Halla sectionne les installations et, bien évidemment, bloque tout le circuit de production de l’usine. Elle joue à cache-cache avec les drones qui aussitôt se mettent à chercher l’intruse.
Mystérieuse « femme des bois »
La télévision et les gazettes parlent de la mystérieuse « femme des bois », comme le reporter Fandor, alias Jean Marais, chroniquait les exploits de Fantômas, au début des années 1960. Puis, l’air de rien, Halla retrouve ses élèves pour la chorale. Officiellement, elle est professeure de chant. Elle attend aussi de savoir si elle va pouvoir adopter une petite fille en Ukraine, et ce n’est pas qu’un détail dans le scénario.
Halldora Geirhardsdottir dans « Woman at War », de Benedikt Erlingsson. / JIMMY ANDRES SALINA MORENO/SLOT MACHINE 2018/JOUR2FÊTE
Dans le décor singulier de ce film, il ne faut pas oublier le groupe de musiciens de free jazz. Témoins et complices muets d’Halla l’activiste, ils se mettent subitement à jouer et deviennent la partition musicale du film. Comme ces artistes qui donnent des concerts et soutiennent la « cause ». Sur sa route, plutôt solitaire, Halla trouve un « frère » en la personne d’un paysan écolo. Mais elle cache ses activités clandestines à sa sœur jumelle, professeure de yoga, jusqu’au jour où… Les « seconds rôles » accompagnent le scénario et ses rebondissements jusqu’à la dernière image qui nous ramène au sujet central, l’écologie.
Halla, c’est Peau d’âne au XXIe siècle. Le temps d’une fugue, pour se fondre dans le paysage, Halla devient « Peau de mouton », récupérant la peau de l’animal mort abandonné sur la lande. L’héroïne n’a pas la baguette magique de Catherine Deneuve dans le film de Jacques Demy (1970), et son ennemi n’est pas son père (Jean Marais), mais une multinationale. Les temps ont changé, les récits d’émancipation aussi.
Woman at War - Bande annonce (Cannes 2018) HD VOST
Durée : 01:48
Film islandais, français et ukrainien de Benedikt Erlingsson. Avec Halldora Geirhardsdottir, David Thor Jonsson, Magnus Trygvason (1 h 41). Sortie en salle le 4 juillet. Sur le Web : www.jour2fete.com/distribution/woman-at-war-3 et www.semainedelacritique.com/fr/edition/2018/film/konaferi-stri