Mohammad Javad Zari à Bruxelles, le 15 mai 2018. / JOHN THYS / AFP

« Je crois que c’est un bon départ. » Le ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Zarif, s’est félicité, mardi 15 mai, à Bruxelles de l’état des discussions avec les Européens pour tenter de sauvegarder l’accord nucléaire après le retrait des Etats Unis intervenu le 9 mai.

« Nous n’y sommes pas encore, nous commençons le processus », a expliqué M. Zarif aux journalistes à l’issue d’une rencontre avec la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini et ses homologues français, allemand et britannique. Il a ajouté que Téhéran escomptait voir des progrès « dans les prochaines semaines ».

« Le peuple iranien attend des retombées économiques. Nous voulons voir si nos partenaires sont en mesure de les délivrer », avait-il plaidé quelques heures auparavant. « Mais le temps presse », a-t-il averti, « nous attendons certaines garanties ».

Plus tôt dans la journée, le dirigeant de l’agence iranienne de l’énergie atomique, Ali Akbar Salehi, avait prévenu que « les Européens devraient compenser le retrait américain ». « S’ils ne sont pas capables de le faire, nous sommes prêts à reprendre notre programme nucléaire à un niveau supérieur à ce qu’il était avant l’accord », a-t-il ajouté.

« Si l’Iran respecte ses engagements, l’UE respectera les siens »

Les Européens veulent éviter à tout prix que l’Iran abandonne l’accord et relance son programme pour se doter de l’arme nucléaire. « Nous disons aux Iraniens : "Vous restez, nous restons [dans l’accord]», a expliqué la représentante de la diplomatie européenne Federica Mogherini. « Nous cherchons des solutions pratiques pour permettre à l’Iran de continuer ses ventes de pétrole et de gaz, poursuivre ses transactions bancaires, maintenir les liaisons aériennes et maritimes, lui assurer des crédits à l’exportation et faciliter les investissements. »

« Nous allons vérifier ensemble comment on peut faire vivre cet accord après le retrait américain, sous réserve évidemment que la partie iranienne décide de le respecter intégralement », a confirmé à son arrivée à Bruxelles le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian. Mais « il faut être réalistes », a reconnu son homologue britannique Boris Johnson : « Le principe de l’extraterritorialité des sanctions américaines peut être dissuasif pour les entreprises ». « Nous allons examiner les possibilités et instruments que nous avons pour défendre nos intérêts. Mais cela ne sera pas facile, c’est très clair pour nous », a renchéri son homologue allemand Heiko Maas.

Mme Mogherini rapportera ces entretiens mercredi soir aux dirigeants de l’Union européenne (UE) réunis en sommet à Sofia. « Si l’Iran respecte ses engagements, l’UE respectera les siens. Ce sera le message » délivré par les 28 à Sofia, a promis mardi le président du Conseil européen Donald Tusk dans sa présentation du sommet.

De droite à gauche, le ministre britannique des affaires étrangères Boris Johnson, ses homologues allemand Heiko Maas et français Jean-Yves Le Drian, et la Haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères, Federica Mogherini, lors d’une réunion avec Mohammad Javad Zarif à Bruxelles, le 15 mai 2018. / YVES HERMAN / REUTERS

Le chef de l’Etat français Emmanuel Macron et le président russe Vladimir Poutine se sont entretenus mardi par téléphone et ont confirmé l’engagement de leurs deux pays à mettre en œuvre cet accord. M. Zarif était à Moscou lundi. L’accord conclu en juillet 2015 après des années d’âpres négociations entre l’Iran et le groupe 5+1 (Allemagne, Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni et Russie) a permis de geler le programme nucléaire iranien jusqu’en 2025. C’était son seul propos, insistent les Européens.

En échange de leur soutien, les Européens attendent des concessions de l’Iran pour dissiper les inquiétudes suscitées par son programme de missiles balistiques.

Les Etats-Unis s’inquiètent de leur isolement

« L’Iran n’a pas l’intention d’abandonner son programme balistique. Les Iraniens le considèrent comme un pilier de la sécurité nationale et un puissant instrument de dissuasion », a cependant assuré Nathalie Tocci, directrice de l’Istituto Affari Internazionali (IAI) et conseillère de Federica Mogherini dans un entretien à la revue italienne Formiche.

Les dirigeants européens misent sur la disposition montrée par le président iranien Hassan Rohani à discuter de ces problèmes. « On va tout faire pour le conforter », a assuré un diplomate européen. Le président iranien est fragilisé par le mécontentement provoqué par les difficultés économiques, s’inquiète un responsable européen impliqué dans les négociations avec Téhéran.

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La sortie des Etats-Unis pourrait entraîner un rapprochement entre Moscou et les Européens, une évolution rare vu les tensions de ces dernières années.

Un rapprochement qui inquiète les Américains. Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo s’est entretenu ces derniers jours avec ses homologues européens signataires de l’accord pour leur demander de poursuivre leur « forte coopération » avec Washington, a rapporté lundi le département d’Etat américain dans un communiqué. La veille, Pompeo avait déjà affirmé vouloir « travailler dur avec les Européens » pour trouver un nouvel accord.

Il a estimé que les Etats-Unis et leurs alliés européens avaient des intérêts identiques : « Faire en sorte que l’Iran ne se dote jamais de l’arme nucléaire » et « contrer les activités déstabilisatrices du régime iranien dans la région », selon ce communiqué.

De nouvelles sanctions américaines contre l’Iran

Dans la même journée, les Etats-Unis ont adopté de nouvelles sanctions ciblées contre le gouverneur de la Banque centrale d’Iran, accusé d’avoir participé au financement clandestin du groupe islamiste libanais Hezbollah, allié de Téhéran.

Ces sanctions, qui visent en tout quatre personnes et une banque, « s’appuient sur la décision » du retrait américain il y a une semaine, « et de commencer à rétablir les sanctions américaines levées dans le cadre de cet accord », déclare le département du Trésor.