« L’Europe devrait être reconnaissante envers le président Trump car, grâce à lui, toutes nos illusions ont disparu », a déclaré, mercredi 16 mai, le président du Conseil européen, Donald Tusk. / Virginia Mayo / AP

Le sommet de Sofia, mercredi 16 et jeudi 17 mai, initialement consacré à la relation avec le sud des Balkans, devait être l’occasion pour les Européens de marquer leur fermeté face à un président Trump qui, en répudiant l’accord sur le nucléaire iranien, en menaçant d’imposer leurs exportations d’acier ou d’aluminium ou en étant sorti de l’accord de Paris, ne tient compte ni de leur avis ni même de leurs intérêts économiques et géopolitiques.

Au moins face aux caméras, les Européens ont réussi à afficher leur détermination. Les propos liminaires, caustiques et fort peu diplomatiques, du président du Conseil, le Polonais Donald Tusk, donnaient le ton : « Lorsqu’on regarde les dernières décisions du président [américain], on pourrait même se dire qu’avec de tels amis, pas besoin d’ennemis. Mais honnêtement, l’Europe devrait être reconnaissante envers le président Trump car, grâce à lui, toutes nos illusions ont disparu. »

Les Vingt-Huit s’en sont tenus aux grands principes : « On ne cède pas face à Trump. » Mais jusqu’où ira leur détermination quand il s’agira de prendre des décisions concrètes et brutales contre les Etats-Unis ?

Iran : comment protéger les entreprises européennes

Sur l’Iran, les pays de l’UE conviennent que l’accord sur le nucléaire « n’est pas parfait » mais qu’il faut le préserver, a déclaré, jeudi, la chancelière allemande Angela Merkel. « Chacun dans l’UE partage le point de vue que l’accord n’est pas parfait, mais que nous devrions rester dans cet accord et poursuivre des négociations avec l’Iran sur d’autres sujets, comme les missiles balistiques », a-t-elle dit devant la presse.

« Nous allons oeuvrer pour maintenir le cadre de l’accord de 2015 quelles que soient les décisions américaines », a déclaré de son côté le président français Emmanuel Macron.

Mercredi soir, la discussion avait été d’ordre « stratégique », selon une source du Conseil. L’urgence, réitérée à Sofia, est de prolonger l’existence de l’accord de 2015. Les dirigeants de l’Union multiplient les initiatives et entendent prouver la capacité d’autonomie diplomatique de l’UE. Ils ont proposé une nouvelle réunion, à Vienne, la semaine prochaine.

Un projet aussitôt encouragé par le vice-ministre des affaires étrangères russe, Sergueï Riabkov, confirmant que Moscou entend jouer un rôle clé dans ce dossier. La rencontre devrait rassembler tous les signataires de l’accord, hormis les Etats-Unis.

L’Union défendra l’accord tant que Téhéran s’engagera à en respecter toutes les clauses. Elle entend bien évoquer parallèlement — mais pas en même temps — la question du programme iranien de missiles balistiques, comme le rôle de la République islamique d’Iran en Syrie, au Yémen et au Liban.

Enfin, elle veut protéger ses compagnies actives en Iran d’un projet de sanctions américaines. Les chefs d’Etat ont entendu Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, évoquer l’éventualité d’appliquer la loi « de blocage », un règlement instauré par les Européens en 1996 pour les protéger de possibles sanctions extraterritoriales américaines.

La France, partisane de la plus grande fermeté à l’égard de Washington, défend aussi la révision de ce règlement européen. Mais cet outil juridique tient davantage de l’argument de négociation vis-à-vis de Washington que du vrai bouclier contre des sanctions américaines.

Total, engagé dans un projet à 1 milliard d’euros en Iran, a confirmé, mercredi, vouloir se retirer du marché en l’absence d’une dérogation des Etats-Unis le préservant du retour des sanctions américaines. « Les moyens sont là, nous les utiliserons. Mais il ne faut pas se voiler la face, ils sont limités », a reconnu M. Juncker.

Pour vraiment préserver les intérêts économiques européens en Iran, la France pousse à la création de canaux de financement alternatifs aux banques, évitant aux entreprises des transactions en dollars. Une manière très ambitieuse, trop peut-être : elle n’a pas été au cœur des discussions mercredi à Sofia.

Taxes américaines : pas question de « discuter avec un pistolet sur la tempe »

Concernant les taxes commerciales, les Vingt-Huit se sont rangés derrière la Commission, insistant sur le fait qu’il n’était pas question de « discuter avec un pistolet sur la tempe ». Pas question de céder à Trump, obsédé par les barrières tarifaires sur les exportations de voitures américaines en Europe : s’il veut un geste des Européens, il doit d’abord abandonner ses menaces sur leur acier et leur aluminium.

Dans ce cas, eux seraient prêts à parler d’une éventuelle réforme de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), voire de discuter du niveau des taxes sur les voitures, mais dans le cadre d’un accord commercial, et en échange d’un accès aux marchés publics américains.

La Commission a préventivement préparé une impressionnante liste de produits américains à taxer en manière de représailles si les taxes devaient s’appliquer au 1er juin. Elle devait d’ailleurs la notifier formellement à l’OMC vendredi 18 mai.

Mais ces derniers jours, certains doutaient qu’elle en viendrait à appliquer ces mesures dans leur intégralité le jour J. Surtout si le président Trump se contente de décréter unilatéralement des quotas d’exportation. « Il faudra qu’Allemands et Français tiennent la distance », souligne un diplomate.

Si tous les Européens partagent désormais, sans toutefois le dire aussi brutalement, le constat de M. Tusk, certains, comme les Français, restent partisans de la plus grande dureté, au motif que le président Trump n’entendrait que la force. Tandis que l’Allemagne, première économie exportatrice de l’Union, est davantage tentée par les compromis.

« Malgré toutes les difficultés que nous rencontrons ces jours-ci, les relations transatlantiques sont et resteront d’une importance capitale », a souligné la chancelière allemande, Angela Merkel, mercredi en arrivant à Sofia.