Aux Etats-Unis, la presse salue Philip Roth, « figure prééminente de la littérature du XXe siècle »
Aux Etats-Unis, la presse salue Philip Roth, « figure prééminente de la littérature du XXe siècle »
Au lendemain de la mort du romancier, les médias américains reviennent mercredi sur la longue et abondante carrière de Philip Roth.
Le romancier Philip Roth, le 15 septembre 2010 à New York. | ERIC THAYER / REUTERS
Goodbye Colombus, Portnoy et son complexe ou encore Le Théâtre de Sabbath… Les œuvres de Philip Roth, souvent décriées à ses débuts, sont aujourd’hui unanimement saluées par la presse américaine, mercredi 23 mai, au lendemain de l’annonce de la mort du romancier américain. De nombreux médias outre-Atlantique reviennent en longueur sur une carrière riche qui s’est étirée sur près de six décennies.
Ainsi, pour le New York Times, M. Roth était un « romancier prolifique, protéiforme, et souvent noirâtre qui était une figure prééminente de la littérature du XXe siècle ». Pour le quotidien américain, l’auteur a su, tout au long de son œuvre, explorer « la luxure, la vie juive et l’Amérique », soit trois de ses sujets favoris.
« M. Roth était le dernier des grands mâles blancs : le triumvirat d’écrivains – Saul Bellow et John Updike étaient les autres – qui ont dominé la littérature américaine dans la seconde moitié du XXe siècle. Survivant à la fois et porté par un second souffle extraordinaire, M. Roth écrivit plus de romans qu’aucun d’eux. »
Scandales
Et le New York Times de rappeler que M. Roth était devenu, en 2005, « le troisième écrivain (après Saul Bellow et Eudora Welty) à voir ses livres consacrés à la Library of America (un équivalent de la « Pléiade française ») de son vivant ».
De son côté, Le Los Angeles Times revient sur certains textes de M. Roth qui ont fait scandale à leur sortie :
« Son travail a constamment brouillé les limites entre la fiction et le mémoire, et souvent laissé les lecteurs à la fois frappés et indignés, en particulier dans son portrait de la vie juive américaine dans les histoires tirées de son enfance dans le quartier majoritairement juif de Weequahic, dans la ville de Newark (New Jersey). »
Ce fut ainsi le cas dès son premier grand succès, Goodbye Colombus, recueil de nouvelles publié en 1959 alors qu’il n’avait que 26 ans. Un des textes, « Défenseur de la foi », avait été diffusé en avant-première par le New Yorker provoquant un tollé dans la communauté juive.
Le magazine américain, qui avait été le premier à déceler le talent de M. Roth, publie mercredi un très long portrait du romancier et revient sur ce scandale.
« Son péché était simple : il avait eu l’audace d’écrire sur un enfant juif qui était défectueux, agressif et complaisant, intéressé par l’argent – et il l’avait fait dans un magazine national. Il avait violé le code tribal sur l’auto-exposition juive », explique le journaliste David Remnick qui avait longuement rencontré l’auteur en 2017.
M. Roth avait alors été considéré par des rabbins comme un « mauvais juif » à cause de ces écrits. Le magazine avait également reçu de nombreux courriers de protestation contre le romancier.
Mais, pour le New Yorker, « Roth n’était pas tellement effrayé par l’hostilité qu’il avait suscitée ».
« Il n’était pas un jeune homme de 26 ans. Il était ambitieux, il avait voyagé, il avait enseigné à l’université de Chicago, il avait été dans l’armée. Il y avait quelque chose d’excitant (au début) à avoir une réaction à ses histoires, une réaction dans le monde, au-delà de son cercle d’amis et de rédacteurs. »
Une longue carrière
« Ses thèmes de vie comprenaient le sexe et le désir, la santé et la mortalité, et la judéité et ses obligations – sans doute son sujet le plus définitif, étant donné la controverse entourant ses premières œuvres », explique également le Washington Post.
Et si l’écrivain a surtout écrit des romans, la presse américaine y voit plutôt des œuvres autobiographiques à travers notamment l’un des personnes récurrents, Nathan Zuckerman. Pour le Washington Post :
« Ses sujets étaient souvent autobiographiques. (…) M. Roth savourait de flouter la ligne entre le fait et la fiction. Sa deuxième épouse, l’actrice britannique Claire Bloom, s’est sentie trahie en lisant un manuscrit de “Deception” en 1990, une anatomie brutale et franche de l’infidélité qui mettait en vedette des personnages nommés Philip et Claire. (…) La ville natale de M. Roth, Newark, revenait aussi souvent dans son travail. »
Au-delà des scandales qui ont jalonné sa carrière, tous les médias saluent mercredi la longévité de celle-ci. « Dans la soixantaine, un âge où de nombreux écrivains sont en train de disparaître, il a produit une suite exceptionnelle de romans historiques – American Pastoral, The Human Stain et I Married a Communist – un produit de son engagement personnel avec l’Amérique et des thèmes américains », salue ainsi le New York Times.
Philip Roth en quelques dates
19 mars 1933 Naissance à Newark, New Jersey
1959 Son premier livre est un recueil de nouvelles, Goodbye, Columbus
1969 Portnoy et son complexe (retitré La Plainte de Portnoy dans « La Pléiade »)
1974 Ma vie d’homme
1995 Le Théâtre de Sabbath
1997 Pastorale américaine
2000 La Tache
2010 Némésis
2012 Il annonce qu’il cesse d’écrire
22 mai 2018 Mort à New York