« Frontières » : mélodrame et libre circulation des biens
« Frontières » : mélodrame et libre circulation des biens
Par Thomas Sotinel
La jeune réalisatrice burkinabée Apolline Traoré tente de concilier éducation civique et rebondissements dans ce « road movie » qui traverse l’Afrique de l’Ouest.
Les routes d’Afrique de l’Ouest sont peu sûres. Mal entretenues, elles sont sillonnées par des véhicules, autocars, camions, taxis collectifs qui le sont encore plus. Elles sont aussi coupées de barrages, officiels ou illégaux. Qu’on ait affaire à des douaniers, des policiers ou des coupeurs de route, il faudra payer, en espèces ou de sa personne. Ce réseau routier plein de périls peut aussi bien être le décor d’un mélodrame que le prétexte d’un film d’éducation civique. Jeune réalisatrice burkinabée, Apolline Traoré a choisi de ne pas choisir. Son premier long-métrage tient du communiqué didactique et du feuilleton à rebondissements, un cocktail qui pourrait s’avérer toxique sans l’énergie que mettent réalisatrice et actrices à mener les trois héroïnes à destination.
La Sénégalaise Adjara (Amélie Mbaye) et l’Ivoirienne Emma (Naky Sy Savané) embarquent à Dakar. La première est une néophyte qui se lance dans le commerce transnational sur le mandat d’une tontine formée par ses amies. La deuxième est une vieille routière, méfiante et acariâtre, qui passe de beaux basins sous son boubou, en se faisant passer, elle qui est sèche comme un coup de trique, pour une femme d’un certain poids. En passant par le sud du Burkina Faso, elles sont rejointes par Sali (Adizétou Sidi), une jeune femme à qui son amant a confié des médicaments, dont elle ignore qu’ils sont contrefaits.
Une Afrique en mouvement
Quelques milliers de kilomètres plus tard, elles auront été agressées, rançonnées, harcelées et auront dévoilé chacune leur histoire propre à tirer des larmes. Et si l’on n’a pas compris que l’application des lois et règlements de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (qui a cofinancé le film) est une mesure d’urgence, c’est qu’on a dormi pendant la projection. On peut s’agacer de ce didactisme comme des procédés dramatiques éculés, de l’accumulation des situations les plus extrêmes.
Reste que Frontières est aussi l’occasion d’entrevoir une Afrique en mouvement, dont les citoyennes entreprenantes, transportées par des autocars à air conditionné (tous ne sont pas des épaves), armées de smartphones, se heurtent de plus en plus violemment aux archaïsmes, corruption et patriarcat en premier lieu.
FRONTIÈRES - Bande annonce
Durée : 01:12
Film burkinabé et français d’Apolline Traoré. Avec Amélie Mbaye, Naky Sy Savané, Adizétou Sidi (1 h 30). Sur le Web : www.hevadis.com/frontieres.html