« Quiet People. Un jour à Zagreb » : la catastrophe nichée derrière la routine
« Quiet People. Un jour à Zagreb » : la catastrophe nichée derrière la routine
Par Mathieu Macheret
Le film du Croate Ognjen Svilicic, loin d’être un énième drame social morose et roublard, se révèle subtil et captivant.
Dans la banlieue grisâtre de Zagreb, en Croatie, Ivo et Maja, couple sans histoire (il est chauffeur de tramway, elle femme au foyer), découvrent un beau matin leur fils lycéen le visage tuméfié. Tomitza, rentré en douce à l’aube, leur apprend du bout des lèvres qu’il a été pris dans une rixe. La routine reprend son cours, quand, quelques heures plus tard, l’adolescent s’écroule inanimé dans la salle de bain et se retrouve en soins palliatifs à l’hôpital.
Si Quiet People. Un jour à Zagreb, cinquième long-métrage du Croate Ognjen Svilicic, laisse d’abord croire à un énième drame social morose et roublard, typique d’un certain cinéma des pays de l’Est, il se révèle vite autrement plus subtil et captivant. Le film vaut, en effet, pour son couple de personnages toujours dépassés par les événements, dans le dos desquels le drame semble se dérouler : le traumatisme de leur fils, puis le coma dans lequel il sombre, mais également la désinvolture avec laquelle l’affaire est prise en charge par les autorités compétentes (les administrations policières et hospitalières), suscitent chez eux une sorte de sidération pétrifiée.
Une certaine forme d’absurdité drôlatique
En s’attachant à ce sentiment de stupéfaction, Ognjen Svilicic évite bien des poncifs du cinéma de dénonciation (morgue, coups de force et chantage aux larmes), pour voguer sur une ligne plus équivoque, reliant la gravité inattendue de la situation (le décès d’un fils) à une certaine forme d’absurdité drôlatique.
Le cinéaste pointe bien sûr, à travers cela, le caractère lénifiant du quotidien et des petites habitudes, empêchant ses protagonistes de prendre conscience de ce qui leur arrive. Mais cette routine cache aussi une forme plus insidieuse de démission : la trop grande confiance prêtée aux institutions, la facilité avec laquelle quiconque peut remiser sa vigilance civile au bénéfice d’un certain confort, finissent ici par déboucher sur une catastrophe.
Ognjen Svilicic ne brocarde jamais cette inconséquence en la faisant peser sur les épaules de ses personnages, en les accusant ou en les ridiculisant. Bien au contraire, il les entoure d’une bienveillance louable : Ivo et Maja, confrontés à l’adversité, sont aussi filmés à travers le sentiment indéfectible qui les unit. Un amour inconditionnel qui transforme les effets de la routine en ressources de courage.
THESE ARE THE RULES - Trailer
Durée : 01:33
Film croate, français, serbe et macédonien d’Ognjen Svilicic. Avec Emir Hadzihafizbegovic, Jasna Zalica, Hrvoje Vladisavljevic, Veronika Mach (1 h 17). Sur le Web : cinesaintandre.fr et urbandistrib.com/films/these-are-the-rules