Le président américain, Donald Trump, a annulé jeudi sa rencontre prévue le 12 juin à Singapour avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, bien que la Corée du Nord ait tenu sa promesse de mettre hors service son site d’essais nucléaires. / Ahn Young-joon / AP

Dans un spectaculaire retournement, Donald Trump a annulé jeudi le sommet historique prévu dans moins de trois semaines avec le leader nord-coréen, Kim Jong-un, dénonçant « la colère » et « l’hostilité » du régime de Pyongyang, bien que la Corée du Nord ait tenu sa promesse de mettre hors service son site d’essais nucléaires.

« Je suis profondément préoccupé par l’annulation du sommet prévu à Singapour entre le président des Etats-Unis et le leader de la République populaire démocratique de Corée », a déclaré le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, Antonio Guterres, lors de la présentation de son agenda pour le désarmement à Genève. « Et j’exhorte les parties à poursuivre leur dialogue pour trouver une voie vers une dénucléarisation pacifique et vérifiable de la péninsule coréenne », a-t-il ajouté, devant un parterre d’ambassadeurs et d’étudiants réunis dans une salle de l’université de Genève.

Menaces sur la lutte contre les armes nucléaires

M. Guterres a précisé que « l’élimination totale » des armes nucléaires devait être une « priorité », déplorant que les engagements pris après la guerre froide « sont maintenant plus que jamais menacés ». « Quelque 15 000 armes nucléaires sont encore stockées dans le monde. Des centaines sont prêtes à être lancées en quelques minutes », a-t-il ajouté, soulignant que « nous sommes à une erreur mécanique, électronique ou humaine près d’une catastrophe qui pourrait rayer des villes entières de la carte ».

Dans un communiqué, Beatrice Fihn, la directrice de la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (International Campaign to Abolish Nuclear Weapons, ICAN) qui a obtenu le prix Nobel de la paix 2017, a déclaré :

« Le monde ne peut pas aveuglément faire confiance à Donald Trump pour assurer la paix mondiale. C’est la raison pour laquelle nous devons aller de l’avant avec le traité sur l’interdiction des armes nucléaires. La Corée du Nord et la Corée du Sud pourraient encore adhérer au traité et dénucléariser la péninsule coréenne pour de bon. »

Séoul dans l’ignorance

Le président sud-coréen, Moon Jae-in, a convoqué une réunion d’urgence, avec notamment son chef des services secrets et son ministre de la réunification, a annoncé l’agence de presse Yonhap. La Corée du Sud « cherche à comprendre quelles sont les intentions du président Trump et leur signification », a déclaré le porte-parole de la présidence, Kim Eui-kyeom.

A Washington, le secrétaire d’Etat Mike Pompeo a dit, devant le comité des affaires étrangères du Sénat des Etats-Unis, avoir été impliqué dans les discussions de mercredi soir et jeudi matin qui ont mené à l’annulation de ce sommet. Mais il n’a pas précisé si des pays, y compris la Corée du Sud, avaient été prévenus du revirement américain. De son côté, Paul Ryan, président républicain de la Chambre des représentants, a estimé que la résolution pacifique du face-à-face nucléaire dans la péninsule coréenne requiert « plus de sérieux » de la part de Kim Jong-un. Dans un communiqué, M. Ryan a ajouté que le régime nord-coréen a donné à plusieurs reprises des raisons de s’interroger sur son engagement pour la stabilité.

En Russie, Konstantin Kosachev, membre de la commission des affaires étrangères du Sénat de la fédération, a déclaré : « La renonciation par Trump à la tenue du sommet américano-nord-coréen est un sérieux coup porté à un règlement pacifique dans la région. Après la sortie des [Etats-Unis] de l’accord sur le programme nucléaire iranien, c’est un deuxième coup à la stabilité du monde. »