Final Four : « A terme, la France va avoir le championnat de handball le plus puissant du monde »
Final Four : « A terme, la France va avoir le championnat de handball le plus puissant du monde »
Propos recueillis par Clément Martel
Montpellier, Nantes et le PSG, qui disputent ce week-end le dernier carré de la compétition européenne, peuvent remporter le trophée, estime l’ancien capitaine des Bleus, Jérôme Fernandez.
Guigou, Gurbindo et Narcisse entendent amener leur club au titre européen à Cologne.
Ils sont trois. Trois clubs français qualifiés pour le dernier carré de la Ligue des champions de handball. Samedi 26 et dimanche 27 mai, le Paris-Saint-Germain, Nantes et Montpellier disputent à Cologne le Final Four de la compétition reine en Europe. Trois clubs aux parcours différents réunis dans l’arène de la cité rhénane. Pour cette grande première depuis que ce format existe (jamais un pays n’était parvenu à envoyer trois représentants dans un Final Four), les trois mousquetaires français se retrouvent face au Vardar Skopje, le champion d’Europe en titre, qui l’avait emporté l’an passé dans les ultimes secondes face au PSG. Pour les avoir affrontés cette saison avec Aix-en-Provence, l’entraîneur Jérôme Fernandez, ancien capitaine de l’équipe de France, est un observateur averti des trois locomotives hexagonales et de l’évolution du championnat de France.
Le Monde : la présence de trois clubs hexagonaux dans le dernier carré de la Ligue des champions est-elle une surprise ?
Jérôme Fernandez : On aurait pu imaginer qu’il y en aurait deux, car l’an passé, le parcours des clubs français avait déjà été fabuleux. Nantes s’est fait sortir par le finaliste Paris en huitièmes de finale, Montpellier s’est hissé en quarts en sortant Kielce, le champion d’Europe en titre, et a frôlé le Final Four. Cette saison, je pensais que deux équipes seraient capables d’aller en demi-finales, mais pas trois. Le parcours de Nantes en huitièmes et quarts (face aux Biélorusses de Brest et aux Danois de Skjern) n’a pas été aussi compliqué que d’autres, mais leur excellent parcours en poules leur a fait mériter ce tirage.
Que Paris y soit, on pouvait l’imaginer. Mais que les deux autres y soient en même temps, c’est une vraie surprise. Avoir trois clubs français, et surtout pas d’allemands, c’est exceptionnel.
Qu’est-ce qui distingue ces trois équipes dans le jeu ?
Paris a une excellente défense, avec deux formidables gardiens. Cette équipe excelle en jeu de transition, sur la montée de balle et sur l’engagement direct. Sur attaque placée, elle se repose beaucoup sur les qualités individuelles de ses joueurs stars.
A Montpellier, il y a peut-être un peu plus d’équilibre entre l’attaque et la défense, même si l’attaque peut parfois un peu coincer. Ils ont un excellent gardien avec Vincent Gérard et une défense très solide ; une impressionnante capacité à contre-attaquer avec Mickaël Guigou et Valentin Porte, ainsi que des pivots qui se déplacent très rapidement, comme Ludovic Fabregas. Et en attaque placée, leur jeu repose plus sur le collectif, car leurs joueurs – très talentueux – n’ont pas les mêmes qualités ou le même gabarit que ceux de Paris. Il y a une recherche collective un peu plus poussée.
Nantes est une équipe qui joue sur un rythme complètement différent de Paris et Montpellier. Même s’ils sont capables de placer des contre-attaques grâce à leurs ailiers Balaguer et Klein, cette équipe est vraiment performante sur défense et attaque placées. Leur caractéristique sur le jeu placé est de ne pas jouer très vite, mais de jouer très juste. Cette équipe est capable d’être dangereuse à tous les endroits du terrain. Elle n’a pas beaucoup de points faibles, si ce n’est un manque d’expérience par rapport aux deux autres sur le plan européen, mais elle comble cet écart à toute vitesse.
C’est l’équipe qui part avec le dossard d’outsider ce week-end, par rapport au Vardar, à Paris et à Montpellier, mais vu ce qu’ils ont fait cette année dans leur poule de Ligue des champions, ils sont capables de battre Paris en demi-finales et de battre Montpellier ou le Vardar en finale. Ils ont battu ces trois équipes cette saison.
Qu’est-ce qui explique la prédominance du handball français de club cette année ?
En revenant jouer en France, les meilleurs Français ont « rapatrié » d’autres façons de jouer au handball, notamment sur le plan tactique, et ça a été bénéfique pour les clubs français. Mais c’est surtout l’amélioration des effectifs dans les clubs français, l’afflux de grands joueurs dans le championnat qui a fait que le niveau général s’est amélioré.
Tous les joueurs espagnols talentueux qu’on a dans le championnat ne seraient jamais venus en France si l’économie du handball espagnol ne s’était pas cassé la figure. Ça fait le bonheur des clubs français, mais aussi celui des joueurs espagnols, qui se sentent bien en France. Ce n’est pas épisodique, ça va encore s’améliorer avec les années. A terme, le championnat de France va devenir le plus puissant du monde, parce que les meilleures équipes françaises sont capables de battre les meilleures équipes allemandes.
Et beaucoup de clubs vont suivre l’exemple et la dynamique des trois plus gros clubs français. Des joueurs talentueux, qui seraient peut-être allés en Allemagne avant, vont préférer venir en France en raison de la sécurité de l’emploi, du chômage et d’une meilleure structuration des clubs sur le plan médical. En Allemagne, vous êtes obligé de prendre une assurance qui coûte très cher pour tout ce qui est médical, pas ici, et les joueurs le savent. Ce sont des forces du monde du travail en France, et ça profite aujourd’hui à notre handball.
Avec l’arrivée du Qatar et de ses finances, à Paris, les autres clubs ont-ils dû se réinventer ?
Ils ont clairement changé la façon de construire leur équipe. Vu que les joueurs les plus chers partent désormais à Paris, ils montent leur équipe différemment, notamment Montpellier, qui était la meilleure équipe de France. Mais les gens qui s’inquiétaient que Paris tue le championnat ne connaissent pas les dirigeants des clubs français. Je n’étais pas du tout inquiet que Paris devienne une superpuissance européenne, car je savais que les autres clubs allaient se mettre encore plus au travail pour essayer, au fur et à mesure, de combler l’écart, et de pouvoir proposer un championnat de plus en plus équilibré. Et en l’espace de cinq ou six ans, c’est ce qui s’est passé. Pendant quelque temps, Paris a eu la mainmise en France, mais les autres équipes ont bien travaillé, ont augmenté leurs moyens financiers et ça a créé une dynamique qui profite à tous.
Les deux adversaires de Paris, Nantes et Montpellier, se distinguent également par la personnalité de leurs entraîneurs, Thierry Anti et Patrice Canayer. Eux aussi ont dû évoluer ?
Ces deux énormes compétiteurs, qui entraînent depuis de très nombreuses années, n’ont pas été fatalistes quand le PSG s’est fortement renforcé : ils ont essayé de construire des choses pour pouvoir petit à petit rivaliser. Et ils y parviennent aujourd’hui.
Ils échangent plus, désormais, avec leurs joueurs cadres et ont su faire évoluer le jeu de leur équipe. Ce sont de fantastiques leadeurs, d’excellents techniciens, dont le travail au quotidien sur le collectif de leur équipe a rendu ces deux clubs capables de rivaliser avec Paris.
15 h 15 : HBC Nantes-Paris SG
18 heures : Vardar Skopje-Montpellier