Leo Varadkar, le 30 avril à Dundalk. / CLODAGH KILCOYNE / REUTERS

Pari risqué, pari gagné. En osant poser aux électeurs irlandais la plus controversée des questions et affronter le tabou suprême de ce pays historiquement catholique, le premier ministre Leo Varadkar, 39 ans, a aussi bousculé les convictions qu’il a lui-même longtemps affichées. Fer de lance des prochoix et de la campagne – victorieuse vendredi 25 mai – pour abroger le 8e amendement de la Constitution, qui prohibe l’avortement, le chef du parti de centre droit Fine Gael s’est longtemps présenté comme un opposant à la libéralisation du droit à l’IVG. C’est « en écoutant les femmes qui [l]’entourent, [s] es sœurs et [s] a mère, en écoutant [s] es amis et [s] es collègues de parti » qu’il dit avoir changé d’avis.

Lorsqu’il est nommé à la tête du gouvernement, en juin 2017, ce jeune ministre ambitieux, fils d’immigré indien et ouvertement homosexuel, médecin de formation, ultralibéral en économie et pro-européen, n’apparaît nullement comme le fer de lance d’une réforme en la matière. « Je ne suis pas pratiquant mais je souscris largement à la doctrine sociale de l’Eglise. Je ne suis pas favorable à l’avortement », a déclaré en 2010 dans le quotidien Irish Independent celui qui n’est encore que député. Non seulement M. Varadkar se dit alors opposé à l’avortement en cas de viol – car « ce n’est pas la faute de l’enfant s’il est l’enfant du viol » –, mais il justifie l’hypocrisie de la Constitution qui permet d’aller avorter à l’étranger.

« Le 8e amendement est trop restrictif »

C’est une fois devenu ministre de la santé qu’il commence, en 2015, à professer une opinion moins tranchée. « Mon expérience de médecin et de ministre de la santé m’amène à la conclusion que le 8e amendement est trop restrictif, car il ne prend pas en compte la santé de la mère à long terme », déclare-t-il devant le Parlement. Récemment, Leo Varadkar a confié que deux cas, dont il avait eu à connaître en tant que ministre, l’avaient fait changer d’avis : celui d’une femme cliniquement morte maintenue artificiellement en vie pour la faire accoucher, et celui d’une demandeuse d’asile refoulée du Royaume-Uni, où elle allait avorter.

Nommé premier ministre en juin 2017, il doute encore que le pays soit prêt pour cette réforme. Ce n’est qu’à la fin janvier 2018 qu’il sort définitivement de son ambiguïté en se lançant dans la campagne du oui. « Il est juste de dire que mon opinion a évolué, reconnaît-il alors. Même les gens qui sont favorables à l’avortement dans certaines circonstances sont “provie”. Je continue de croire en la vie, mais je comprends que dans certaines circonstances, une grossesse ne peut pas continuer. » A l’époque, un sondage donne 56 % d’opinions favorables à la libéralisation.