Arnaud Clément, en 2012 à Roland-Garros. / PASCAL GUYOT / AFP

Arnaud Clément à Roland-Garros, c’était d’abord un bandana. Mais c’est surtout un record, celui du match le plus long, disputé le 25 mai 2004 au premier tour contre son comparse Fabrice Santoro, qui sortira vainqueur après 6 h 35 de match (71 jeux et 14-16 au 5e set). Aujourd’hui consultant pour France Télévisions, il revient sur les enjeux de la quinzaine qui démarre dimanche.

Nadal a évité le piège Djokovic, placé dans l’autre moitié de tableau, tout comme Zverev et Thiem : la route jusqu’en finale est donc toute tracée pour lui ?

Je trouve que son parcours n’est pas plus dégagé que d’habitude mais, pour moi, il est encore archifavori. Aujourd’hui, je ne vois personne capable de l’arrêter. Il a perdu un match à Madrid face à Dominic Thiem, il a été accroché par Zverev en finale de Rome et, bien sûr, que ça joue pour la confiance de ces deux joueurs, mais jouer Nadal en cinq sets, c’est autre chose. On les attendait déjà l’an dernier et ils avaient déçu. Thiem avait été pulvérisé [battu 6-3, 6-4, 6-0 par l’Espagnol en demi-finales ; Zverev, lui, avait été éliminé d’entrée de tournoi].

Pour le moment, les choses n’ont pas basculé, on ne sait pas quand ces deux joueurs vont se révéler. Est-ce que ça va être sur ce tournoi-là ? C’est ce que beaucoup espèrent. Ils auront peut-être un jour les clés pour le battre au meilleur des cinq sets, mais aujourd’hui, ni l’un ni l’autre ne l’ont prouvé.

Zverev, pour l’instant, n’a pas fait mieux que huitième de finale en Grand Chelem, il a encore des étapes à franchir. Est-ce qu’il va réussir à faire sauter tous les verrous sur un seul Roland ? J’en serais surpris. En attendant, le quart qui se profile entre Thiem et Zverev sera peut-être l’un des matchs les plus intéressants à suivre.

Si « undecima » il y avait, n’y a-t-il pas un risque que la lassitude pointe à nouveau chez ses détracteurs ?

Ce genre de propos émane de gens du public qui connaissent moins le tennis. Mais ils ne se rendent pas compte à quel point ce qu’il réussit, tout comme ce que réalise Federer, ce sont des choses extraordinaires. Quand on est joueur et qu’on voit qu’il a gagné onze fois Monte-Carlo, onze fois Barcelone, et qu’il est en course pour un onzième Roland, on ne peut pas banaliser ça : on sait à quel point c’est dur d’en gagner un seul, alors onze… Chaque victoire supplémentaire renforce sa légende.

Finalement, la surprise ne peut-elle pas venir d’un gros serveur (l’Espagnol peut croiser Jack Sock et Kevin Anderson) ?

C’est effectivement le genre de jeu qu’il n’aime pas, mais après, avec ces deux joueurs-là, je n’y crois pas du tout. Oui, ce sont de gros serveurs, ils sont puissants mais, pour moi, ils n’ont pas les armes de Söderling. Quand il a battu Nadal en 2009, il était dans le top 5, il avait joué de façon monstrueuse, pour moi, il est beaucoup plus fort que ces deux-là.

Vu le piètre début de saison des joueurs français, sont-ils déjà hors course ?

Hors course pour quoi ? Pour faire un quart ? Non, je ne pense pas. Richard [Gasquet] a un peu mieux joué que les autres, il a montré de belles choses à Monte-Carlo mais a ensuite été irrégulier, et là, il tombe sur Nadal dès le 3e tour… Aucun Français n’a engrangé de la confiance ou des repères sur terre cette saison. C’est compliqué de penser à eux pour faire un très beau résultat.

Mais ils sont dans une position que nous, Français, aimons bien, à savoir : ne pas être attendu. On se dit que s’il y en a un en deuxième semaine, ce ne sera finalement pas si mal… C’est une position, hélas, j’ai envie de dire, « à la française » : on n’est jamais aussi bons que quand on est outsiders.

Gaël [Monfils] ? C’est la terre, c’est Paris, c’est là qu’il a eu ses meilleurs résultats même si ces dernières semaines, il a perdu de façon étonnante. Mais il peut s’entraîner de façon plus dure que la plupart des autres Français en vue de Roland. Il reste toujours très ambitieux quand il arrive ici. S’il a réussi à encaisser les entraînements sans se faire de bobo et qu’il a pas mal de terre battue dans les pattes, il peut se lancer très vite.

Lucas [Pouille], c’est le seul qu’on attend un peu plus, car c’est le numéro un français. Il sera forcément plus regardé même s’il a alterné les très bons résultats et les défaites au premier tour depuis le début de la saison. Finalement, comme l’an dernier déjà, l’attention sera peut-être plus portée sur les filles…

Au regard de son classement et de ses résultats, c’est Caroline Garcia qui porte le plus les espoirs de la France, bien que son tableau s’annonce coriace…

Hommes et femmes confondus, c’est la meilleure chance française, oui. Il faudra aussi suivre Kristina [Mladenovic], même si elle a été plus irrégulière cette saison, je dirais même qu’elle a été régulière dans la défaite. Mais souvent, elle relève la tête au bon moment, c’est ce qu’elle a souvent réussi à faire en Fed Cup, en parvenant à bien jouer à des moments importants malgré un enchaînement de défaites avant. Elle est capable de le faire aussi à Roland.

Quant à Alizé Cornet, elle est loin derrière Caroline et Kristina. Elle n’a pas gagné de gros tournoi ni eu le classement des deux autres.

Faut-il se réjouir ou se lamenter de voir un tableau féminin très ouvert comme l’an dernier ?

Il y a quinze filles qui peuvent gagner, oui. Pour l’attractivité du tennis, il faut que les spectateurs se nourrissent de rivalités, aujourd’hui, il manque l’excitation de ces affrontements-là sur le circuit féminin. Chez les hommes, on se réjouit d’un potentiel quart Thiem-Zverev hyper excitant. Chez les filles, on n’attend pas une confrontation plutôt qu’une autre…