Loris Karius, seul au monde après la défaite de Liverpool en finale de Ligue des champions / Darko Vojinovic / AP

Avant le match, son nom ne disait probablement rien à ceux qui n’observent le football que de loin. Loris Karius n’a jamais été une star, tout juste un bon gardien allemand de 24 ans que son niveau, et celui de ses concurrents au poste, a tenu éloigné d’une sélection en équipe nationale.

Loris Karius est entré dans l’histoire, samedi 26 mai, de la façon la plus cruelle qui soit pour un gardien. En commettant deux énormes bourdes qui ont coûté deux buts à son équipe, enterrant définitivement tout espoir de créer la surprise face à un Real Madrid ultra-favori.

À la veille du match, c’était sur lui, déjà, que se concentraient les inquiétudes des observateurs. Désigné maillon faible d’un Liverpool qui brille cette saison par son attaque, l’ancien portier de Mayence avait la pression, lui qui n’avait jamais connu pareil rendez-vous.

Lors de la finale de Ligue Europa disputée en 2016 par Liverpool, c’est Simon Mignolet qui gardait les buts. Le gardien belge a vu Karius lui piquer sa place de numéro 1 cette saison. Il a assisté depuis le banc à la déroute de son coéquipier. Après le match, il a surtout tenté de ne pas l’accabler :

« Tous les gardiens ont déjà été dans cette situation. C’est difficile de dire quelque chose. Nous avons joué comme une équipe. Nous avons perdu comme une équipe. »

« Si je pouvais remonter dans le temps… »

La soirée cauchemar de Loris Karius a démarré un peu avant sa première bourde. A la quarante-neuvième minute, sur un duel, le capitaine du Real Sergio Ramos plonge vers le but, mettant au passage un coup de coude à Karius, au niveau de la tempe. Le gardien le signale bien à l’arbitre, mais le jeu se poursuit.

Dix minutes plus tard, premier moment d’absence lourd de conséquence. Balle en main, le gardien des Reds a tout loisir d’observer le terrain pour relancer. Seul Karim Benzema est resté devant pour presser. Mais comme si son cerveau avait cessé de fonctionner quelques instants, Loris Karius fait rouler le ballon en direction de l’attaquant madrilène, qui n’a qu’à tendre le pied pour pousser le ballon au fond.

Benzema profite de l'incroyable erreur de Karius pour ouvrir le score
Durée : 01:41

S’il n’a rien pu faire sur le splendide retourné de Gareth Bale, il a de nouveau coûté un but à ses partenaires en laissant échapper une frappe du gallois, certes puissante mais en plein sur lui. En larmes au coup de sifflet final, Karius s’est dirigé vers la tribune des supporters des Reds pour s’excuser d’avoir coûté, en partie, le titre européen à son équipe. Après le match, c’est un gardien rongé de culpabilité qui s’est présenté face aux journalistes.

« J’ai perdu le match pour mon équipe. Je suis désolé pour tout le monde, pour l’équipe, pour tout le club, que mes erreurs aient coûté si cher. Si je pouvais remonter dans le temps je le ferais… Je me sens si désolé pour mon équipe, je sais que je les ai laissés tomber. »

Pavel Golovkin / AP

« Une soirée qui peut détruire une carrière »

Le portier allemand va maintenant devoir vivre avec la terrible solitude du gardien de but, dernier rempart au rôle ingrat souvent oublié quand tout va bien, toujours exposé quand tout dérape.

Avant le match, certaines anciennes gloires de Liverpool n’avaient pas été tendres avec leur gardien, à l’image de Phil Thompson, capitaine de l’équipe championne d’Europe en 1981 : « Il doit profiter de la finale mais est-ce que je pense qu’il devrait être remplacé cet été ? Probablement. »

Après la rencontre, de nombreux anciens joueurs ont témoigné de leur solidarité avec Karius, notamment dans la confrérie des gardiens. Mais tous ont aussi témoigné des conséquences psychologiques terribles que peuvent avoir ces erreurs. Oliver Kahn, légende du Bayern Munich, champion d’Europe en 2001, déclarait au micro de la télévision allemande :

« C’est une soirée qui peut détruire une carrière. Il faut beaucoup de temps pour sortir ça de sa tête. En tant que gardien de but, c’était difficile à regarder. »

Loris Karius risque de ruminer un moment les mots d’un de ses illustres prédécesseurs, le gardien Ray Clemence trois fois champion d’Europe avec Liverpool : « Quand vous commettez des erreurs dans un match de cette importance elles vous hantent pour le reste de votre vie. »