L’île Maurice, havre de paix et paradis fiscal des Sud-Africains
L’île Maurice, havre de paix et paradis fiscal des Sud-Africains
Par Olivier Piot
L’île Maurice en quête d’un second « miracle » (5/5). Fuyant les tensions à Johannesburg ou Durban, de plus en plus de Sud-Africains séjournent ou investissent dans le pays.
Sur sept kilomètres, de Tamarin à Rivière noire, la zone littorale sud-ouest de l’île Maurice est métamorphosée. Villas, marina, écoles de plongée et de kitesurf, restaurants huppés… A en croire certains des de l’île, l’endroit est devenu « le nouveau Johannesburg ». Et pour cause : depuis quelques années, de nombreuses familles sud-africaines, presque exclusivement blanches, y résident toute l’année ou épisodiquement. Idem dans le nord, vers Grand Baie et Trou aux Biches, l’autre littoral très prisé de l’île. Là encore, il n’est pas rare de croiser des Sud-Africains dans les centres commerciaux, voire d’entrer dans des boutiques et bars tenus par des personnes originaires de Durban ou du Cap.
Séparés par quelques heures de vol, Maurice et l’Afrique du Sud entretiennent depuis longtemps des relations économiques et diplomatiques. La plupart des vins consommés sur l’île sont « made in South Africa » et les couples mixtes sont fréquents dans les deux pays. A 71 ans, Audrey Lamarque en est un bel exemple. Installée à Maurice depuis plus de trente ans, cette native du Cap fut l’une des pionnières des vacances dans l’île, au milieu des années 1970. En 1983, alors que l’apartheid sévit encore dans son pays natal, elle épouse un Mauricien et choisit de s’installer à La Gaulette, dans le sud-est de l’île. « Depuis quelques années, je dirais 2010 ou 2012, une nouvelle vague arrive, explique-t-elle. C’est à présent par centaines que mes compatriotes investissent ou s’installent à Maurice. »
« Les écoles sont bonnes et la situation calme »
C’est le cas à Trou aux Biches, station balnéaire haut de gamme. A deux pas de la plage publique, une enseigne attire l’œil : la « pastry house » Funky Fresh. Design soigné, tables et parasols en devanture et, à l’intérieur, des croissants, du pain et des viennoiseries dignes de la meilleure boulangerie française. « C’est le concept, explique Kim, un quadragénaire originaire du Cap. Beaucoup de Français viennent en vacances ici, alors j’ai pensé qu’ils apprécieraient de retrouver la qualité de leurs petits déjeuners. » Pari réussi puisque les clients affluent, au point que Kim pense ouvrir une boutique similaire à Grand Baie.
Mais pourquoi ce père de famille s’est-il retrouvé dans cette modeste commune du nord-ouest de l’île ? « La situation est difficile et incertaine en Afrique du Sud, reconnaît Kim. Les familles blanches très riches s’en sortent bien, mais pour les petits Blancs comme nous, la vie quotidienne est devenue tendue. Alors j’ai préféré tenter l’aventure ici. Les écoles sont bonnes et la situation calme. Je ne regrette rien. »
Mais l’insécurité et les « tensions » ne sont pas les seules motivations des Sud-Africains qui ont choisi de venir vivre et travailler à Maurice. Les nouveaux avantages fiscaux proposés par Port-Louis aux propriétaires et investisseurs étrangers y sont pour beaucoup.
Maisons d’architecte, piscines, voitures de luxe
Selon le Bureau des passeports et de l’immigration, près de 2 900 Sud-Africains sont enregistrés à Maurice au titre de l’« occupation permit ». Ce statut de résident fiscal est accordé à trois catégories d’étrangers : les investisseurs qui peuvent justifier d’une activité générant un chiffre d’affaires de 4 millions de roupies par an (environ 95 000 euros) pour un investissement initial de 100 000 dollars ; les employés justifiant d’un salaire de base supérieur à 45 000 roupies par mois ; et les indépendants ayant des revenus supérieurs à 600 000 roupies par an pour un investissement initial de 35 000 dollars.
Né à Johannesburg, John, la cinquantaine, fait partie de la première catégorie. Discret sur ses activités, il concède toutefois être « actionnaire d’une société d’immobilier » et bénéficier des accords sur la double imposition signés entre Maurice et des dizaines de pays dans le monde, dont l’Afrique du Sud.
Il existe une dernière façon d’obtenir le statut de résident fiscal à Maurice : l’achat d’un bien immobilier dans le cadre du « Property Development Scheme » (PDS), un système institué en 2015 qui permet à une personne physique d’obtenir un permis de résidence grâce à l’achat d’un bien immobilier d’un montant minimum de 500 000 dollars.
A Rivière noire, la résidence Matala est l’une des résidences privées de prédilection des familles sud-africaines. En retrait par rapport aux plages, ce complexe haut de gamme et agréé PDS compte quelques rares propriétaires triés sur le volet. Maisons d’architecte, toits plats, piscines, voitures de luxe… Le lieu n’est pas sans rappeler les quartiers huppés du Cap. Face à la demande, les travaux de « Matala II » viennent de débuter. « La plupart des Sud-Africains qui achètent ici n’y vivent pas toute l’année, précise un agent immobilier de Tamarin. Certains louent une partie du temps, d’autres ont investi comme solution de repli, au cas où la situation dégénère dans leur pays. »
Sommaire de notre série « L’île Maurice en quête d’un second miracle »
Canne à sucre, tourisme de luxe, « économie bleue »... Le pays cherche à diversifier ses ressources.