Les ânes offerts par Paris ne sont pas les bienvenus au Burundi
Les ânes offerts par Paris ne sont pas les bienvenus au Burundi
Le Monde.fr avec AFP
Des figures proches du pouvoir ont qualifié d’« insulte à la nation » le projet, financé par l’ambassade de France, d’équiper des villageois en bêtes de somme.
Le ministre burundais de l’agriculture a ordonné, dimanche 27 mai, la mise en quarantaine de dix ânes introduits dans une commune du centre du pays grâce à un financement de l’ambassade de France. Achetés en Tanzanie, les ânes avaient été mis à la disposition des habitants d’un village de la province de Gitega, dans le cadre d’un projet d’une ONG locale pour aider femmes et enfants à transporter les produits agricoles, l’eau ou le bois de chauffe.
Le projet a été violemment critiqué ces derniers jours par des figures proches du pouvoir, qui ont qualifié ce don d’ânes d’« insulte à la nation », rappelant que cette espèce, qui n’est pas indigène du Burundi, symbolise dans la langue française l’ignorance et la bêtise. Dimanche, le ministre Déo Guide Rurema a demandé à un administrateur local de « faciliter le retrait immédiat de tous les ânes, qui ont été distribués […] sans respecter les procédures techniques de distribution d’animaux exotiques », et exigé qu’ils soient acheminés dans un centre de quarantaine.
Jeudi, jour de l’inauguration du projet, l’ambassadeur de France au Burundi, Laurent Delahousse, s’était félicité sur Twitter de « l’introduction de la Land Cruiser du règne animal au Burundi ». En réponse à la polémique, l’ambassadeur avait ensuite assuré sur Twitter qu’à sa « connaissance, toutes les procédures ont été respectées ».
« Une catastrophe pour les paysans »
« L’ambassade de France est en train de payer le récent communiqué sur le référendum au Burundi et la visite de Kagame en France, notamment », analyse un diplomate européen sous couvert d’anonymat. Il fait référence aux critiques émises par la France contre le référendum controversé du 17 mai, qui a vu l’approbation d’une réforme constitutionnelle laissant la possibilité au président Pierre Nkurunziza de rester en poste jusqu’en 2034. Il évoque aussi la récente visite en France de Paul Kagame, président du Rwanda voisin, qui entretient des relations tendues avec le Burundi.
« Cette politisation à outrance d’un simple microprojet est une catastrophe pour les paysans qui allaient en bénéficier et pour l’ONG qui a invité ce projet et qui visait à terme l’introduction d’un millier de bêtes dans la région », regrette le diplomate européen. Un projet similaire dans la province de Ruyigi, financé par la coopération belge depuis plus d’une année, n’a jusqu’ici rencontré aucun problème.
Le Burundi est plongé dans une grave crise politique depuis l’annonce de la candidature controversée de M. Nkurunziza à un troisième mandat, en avril 2015. Le régime burundais est accusé de graves violations des droits humains et est de plus en plus isolé sur la scène internationale.