L’inculpation du producteur Harvey Weinstein pour viol et agression sexuelle confirmée
L’inculpation du producteur Harvey Weinstein pour viol et agression sexuelle confirmée
Le Monde.fr avec AFP et Reuters
L’ancien producteur de films, dont la chute à l’automne 2017 a enclenché un vaste mouvement de libération de la parole des femmes, s’était livré vendredi à la police new-yorkaise.
L’ancien producteur Harvey Weinstein arrive le 25 mai au tribunal de New-York. / KENA BETANCUR / AFP
Un grand jury new-yorkais a validé mercredi 30 mai l’inculpation d’Harvey Weinstein pour un viol et une fellation forcée, malgré les objections de l’avocat du producteur déchu qui estime que le procureur cède à la « pression politique ».
M. Weinstein, accusé depuis l’automne par près d’une centaine de femmes d’abus sexuels allant du harcèlement au viol, avait été inculpé pour la première fois vendredi par la police new-yorkaise pour un viol présumé commis en 2013 et une fellation forcée sur une actrice en 2004.
Caution d’un million
Harvey Weinstein, 66 ans, avait ensuite été présenté à un juge et remis en liberté, moyennant une caution d’un million de dollars, le port d’un bracelet électronique et des déplacements limités aux Etats de New York et du Connecticut.
Mais les preuves réunies contre lui par le procureur de Manhattan devaient encore être présentées à un « grand jury », un panel de jurés qui, selon le système judiciaire américain, doit valider que les preuves sont suffisantes pour une inculpation.
C’est ce qui s’est passé mercredi lorsque le panel « a voté pour inculper Harvey Weinstein », a indiqué le procureur de Manhattan, Cyrus Vance, dans un communiqué. Cette décision « rapproche l’accusé du moment où il devra répondre des crimes dont il est inculpé », a ajouté M. Vance. L’avocat de Weinstein, Ben Brafman, avait contesté d’avance cette décision. Il avait affirmé plus tôt mercredi qu’Harvey Weinstein ne témoignerait pas devant le grand jury, faute d’avoir pu préparer correctement son audition.
Avocat de DSK
Il a reproché au procureur de ne lui avoir fourni les détails correspondant aux deux accusations que vendredi soir, à la veille d’un long week-end férié aux Etats-Unis, rendant impossible une bonne préparation.
M. Brafman, un ténor du barreau new-yorkais qui avait obtenu en 2011 l’abandon des poursuites contre Dominique Strauss-Kahn dans l’affaire du Sofitel, a aussi déploré que sa demande de report de la réunion du grand jury ait été rejetée.
M. Brafman a jugé le transfert tardif d’informations par le procureur d’autant plus « troublant » que l’accusation de viol émanerait selon lui d’« une femme avec qui M. Weinstein a eu une relation sexuelle consentie pendant 10 ans, qui s’est poursuivie après la plainte de viol pour 2013 ». La police et le procureur n’ont jusqu’ici donné aucune information sur l’identité de cette accusatrice.
« Pression politique »
L’accusation de fellation forcée émane en revanche d’une personnalité qui avait déjà rendu publiques ses allégations, Lucia Evans, aspirante actrice au moment des faits présumés en 2004. M. Brafman avait cependant estimé que l’inculpation par un grand jury était « inévitable », compte tenu de « la pression politique injuste » mise sur le procureur pour inculper l’ancien producteur.
Le mouvement #MeToo, né dans la foulée des premières révélations contre Harvey Weinstein en octobre dernier, a applaudi son inculpation par la police vendredi.
Les figures de proue du mouvement avaient dénoncé l’absence de poursuites contre le producteur déchu en mars et obtenu du procureur de l’Etat de New York qu’il enquête sur les raisons de cette absence d’inculpation par le procureur de Manhattan.
Notre sélection d’articles sur l’affaire Weinstein
Retrouvez les contenus de référence du Monde sur l’affaire Harvey Weinstein :
- Aux origines de l’onde de choc mondiale : comment des révélations du New York Times puis du New Yorker ont entraîné la fin d’un des derniers moguls du cinéma. Lire notre récit sur la chute d’Harvey Weinstein
- Au fil des semaines, la liste des victimes du producteur s’est allongée pour devenir vertigineuse
- Le scandale a produit une déflagration inédite dans le septième art : l’industrie du cinéma s’est retrouvée confrontée à ses pratiques
- L’affaire a aussi entraîné une vaste libération de la parole des femmes : « Nous sommes si nombreuses que c’en est impressionnant », écrit la sociologue Irène Théry dans une tribune.
- Cette vague a touché tous les secteurs aux Etats-Unis, eu des répercussions en France et en Europe, mais n’a pas été universelle, à l’image de l’Inde.
- Des voix dissonnantes, s’inquiétant d’une dérive puritaine, se sont aussi fait entendre : « Nous défendons une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle », écrivent 100 femmes, dont Catherine Deneuve, dans une tribune.
- Plusieurs mois après ses débuts, « le mouvement #MeToo est toujours là, tout à la fois libérateur, dérangeant, encombrant. Critiqué, aussi », analyse Le Monde