Pour Zinédine Zidane, l’horizon des Bleus
Pour Zinédine Zidane, l’horizon des Bleus
Par Rémi Dupré
Désormais libre de tout contrat, l’ex-entraîneur du Real Madrid est perçu comme le successeur naturel de Didier Deschamps à la tête de l’équipe de France. Mais la Fédération insiste : pas avant 2020.
Zinédine Zidane, lors d’une conférence de presse, à Madrid, le 31 mai. / Borja B. Hojas / AP
Depuis l’annonce du départ de Zinédine Zidane du Real Madrid, la question taraude les observateurs du football français : quand l’icône de 45 ans succédera-t-elle à Didier Deschamps au poste de sélectionneur des Bleus ? Comme s’il était écrit que l’ex-numéro 10 des Tricolores (1994-2006), qui s’apprête à prendre un congé sabbatique, arriverait, un jour, aux commandes de l’équipe de France. Et reprendrait ainsi le fil de son histoire avec la sélection, quittée sur un coup de boule lors de la finale Mondial 2006 perdue contre l’Italie, tout en s’inscrivant dans la lignée des champions du monde 1998 (Laurent Blanc, Didier Deschamps) choisis pour endosser ce rôle.
« Il sera certainement sélectionneur à un moment donné, a d’ailleurs reconnu Deschamps, avant la réception de l’Italie, vendredi 1er juin, à Nice en match préparatoire à la Coupe du monde en Russie. Cela me semble logique. Cela arrivera quand ça arrivera. Quand ? Je ne peux pas le dire. Je n’ai pas les clés. »
La question est d’autant plus légitime que Zidane a postulé pour le « job », en juillet 2012, après la non-reconduction du contrat de Laurent Blanc, au sortir de l’Euro organisé en Pologne et en Ukraine. A l’époque, il avait proposé ses services à Noël Le Graët, président de la Fédération française de football (FFF). Mais le dirigeant avait écarté la candidature du champion du monde 1998 et d’Europe 2000, jugeant l’homme trop inexpérimenté : Zidane était tout frais directeur sportif du Real Madrid et ne s’était jamais assis sur le banc d’une équipe. « Ce n’est pas le moment », s’était justifié le patron du foot français.
Trois mois plus tard, Zidane avait rendu publique son envie de diriger « un jour » la sélection, dans les colonnes de L’Equipe. Une sortie médiatique que Didier Deschamps, alors en début de mandat, avait moyennement appréciée.
« Zidane parmi les successeurs potentiels de Didier »
Six ans plus tard, l’ex-milieu des Bleus a fait son entrée dans le cénacle des meilleurs entraîneurs de l’histoire. Bardé de diplômes, auteur d’un triplé historique (2016-2018) en Ligue des champions avec le Real, « le Sphinx » est aujourd’hui perçu comme le successeur naturel de Deschamps, son ancien coéquipier de la Juventus Turin (1996-1999).
« Il figure parmi les successeurs potentiels de Didier, confirmait au Monde Noël Le Graët avant l’annonce de Zinédine Zidane. Il a réussi de façon admirable au Real. Il a marqué l’équipe de France de par son talent de joueur [108 apparitions sous le maillot tricolore de 1994 à 2006]. Si vous me demandez s’il a le profil pour devenir sélectionneur, la réponse est oui. Il le sera un jour. »
Pour Le Graët, ce n’est qu’une question de timing. Car Deschamps est contractuellement lié à la FFF jusqu’à l’Euro 2020 et aspire, comme son confrère allemand Joachim Löw (en poste depuis 2006 et sous contrat jusqu’en 2022), à inscrire son règne dans la durée. En somme, Zidane devra attendre son tour.
« Didier est là et il sera là après la Coupe du monde en Russie quoi qu’il arrive. On n’a pas mis dans son contrat “si ça se passe mal, vous quittez la maison”, insiste le président de la FFF. Il faudra toujours trouver le moment où Zinédine sera libre, le moment où Didier arrêtera. »
Noël Le Graët fait ses calculs : « Didier ne restera peut-être pas jusqu’à la retraite. C’est à quel âge, la retraite ? 62 ans ? Didier [qui fêtera ses 50 ans en octobre] n’arrêtera peut-être qu’en 2024. Moi, je suis là jusqu’en 2020. Mais si je ne reste pas, peut-être que mon successeur prolongera Didier encore plus loin. La question ne se pose pas aujourd’hui : Didier est là au moins jusqu’en 2020. »
« Zidane à la tête des Bleus, ç’aurait de la gueule ! »
Au sein du comité exécutif de la FFF, on se réjouit de voir Zidane libre sur le marché des entraîneurs. « Faut dire que ça aurait de la gueule d’avoir Zizou à la tête de l’équipe de France !, s’enthousiasme un élu fédéral. Mais je ne pense pas qu’il deviendra sélectionneur à court et moyen terme. Pas avant 2020. Car Deschamps a la pleine confiance du président et du comité exécutif. Mais après… Pourquoi pas ? Mais attention : sélectionneur et entraîneur, ce n’est pas le même métier. »
Une sortie de route prématurée à la Coupe du monde, par exemple en huitièmes de finale où la France pourrait rencontrer une bonne sélection comme la Croatie ou le Nigeria, raviverait quoi qu’il en soit le débat autour de Didier Deschamps. Question qui ne se serait pas posée si Zinédine Zidane était resté, comme attendu, sur le banc des Merengue.
En conférence de presse à Nice, avant le match préparatoire à la Coupe du monde contre l’Italie, Deschamps a ri jaune lorsqu’un journaliste lui a demandé si le départ de Zidane du Real représentait pour lui « une pression supplémentaire » à l’aube du Mondial russe.
« Vous savez comment je fonctionne. On m’a posé des questions avant la Coupe du monde 2014 et avant l’Euro 2016, je suis en immersion avec mon groupe, a balayé le sélectionneur, à qui Noël Le Graët a demandé d’atteindre au moins les demi-finales du tournoi. Il y aura un après-Coupe du monde, certainement. Mais je ne me pose pas la question. Je reste concentré et focalisé sur ce qui nous attend avec ce groupe de joueurs. »
Alors que le contrat record (50,5 millions d’euros annuels jusqu’en 2026) entre l’équipe de France et l’équipementier américain Nike garantit à la FFF de juteux revenus sur le moyen terme, l’arrivée de Zidane aux commandes de la sélection ferait basculer la « maison bleue » dans une autre dimension sur les plans médiatique et économique.
Si d’aventure l’ex-entraîneur du Real Madrid succédait à Deschamps au terme de son contrat, en 2020, nul doute ce timing ferait des heureux au Qatar, pays hôte de la Coupe du monde 2022. Notamment car l’ancien meneur de jeu figurait, avant le vote d’attribution controversé de 2010, parmi les ambassadeurs (comme l’entraîneur espagnol Pep Guardiola) de la candidature du richissime émirat gazier. Selon plusieurs médias, « Zizou » aurait touché près de 11 millions d’euros pour soutenir le Qatar.
« On a parlé de 10, 11, 12, 13 millions d’euros… Je vais le dire clairement : c’est n’importe quoi. Ce n’est pas le quart de ces sommes, avait alors répondu la star à L’Equipe. Cet argent-là est redistribué par la Fondation Zidane. Je n’ai pas fait ça pour l’argent. » Il n’empêche que l’icône avait donné du crédit à la candidature de l’Emirat, contre toute attente victorieuse dans les urnes (14 voix à 8) face aux Etats-Unis. Signe que partout où il passe, Zidane l’emporte.
Les images de l’au revoir de Zidane au Real Madrid
Durée : 01:52