L’ambassadeur des Etats-Unis en Allemagne, Richard Grenell, le 12 mai à Berlin. / STRINGER / REUTERS

Un membre du gouvernement allemand a accusé mardi 5 juin le nouvel ambassadeur des Etats-Unis à Berlin d’ingérence dans les affaires intérieures du pays, tandis que les partis de gauche ont réclamé le renvoi de ce fidèle de Donald Trump. Des critiques et menaces qui n’ont pas inquiété Washington, défendant la « liberté d’expression » de son représentant diplomatique.

Richard Grenell « devrait être attentif au fait que nous considérons ses débuts en tant qu’ambassadeur comme difficiles », a ainsi fait valoir Peter Beyer, coordinateur des relations transatlantiques au sein du gouvernement d’Angela Merkel, dans un entretien à un journal régional, le Rheinische Post. Le responsable conservateur, sera présent mercredi lors de la visite – prévue de longue date – du diplomate au ministère des affaires étrangères allemand.

M. Grenell a créé un tollé après avoir déclaré dimanche au site américain d’extrême droite Breitbart vouloir « soutenir » la droite dure en Europe. « Nous vivons un réveil de la majorité silencieuse, ceux qui rejettent les élites et leur bulle », a-t-il ensuite précisé sur Twitter, jugeant que ce moment est « mené par Trump », tout en niant vouloir appuyer des partis ou candidats lors d’élections dans le Vieux Continent.

Le responsable social-démocrate Martin Schulz, ex-président du Parlement européen, a demandé mardi son renvoi pur et simple à Washington. « Si l’ambassadeur allemand à Washington disait qu’il était en poste pour renforcer le Parti démocrate, il serait immédiatement renvoyé », a-t-il fait valoir auprès de l’agence DPA, après avoir accusé sur Twitter M. Grenell d’agir comme « un officier colonial d’extrême droite ». L’une des figures de proue de la gauche radicale allemande, Sahra Wagenknecht, a également exigé le départ « immédiat » de l’ambassadeur, en poste depuis seulement un mois.

Critiques des démocrates américains

« Les ambassadeurs ont le droit d’exprimer leur opinion », s’est bornée à répondre la porte-parole de la diplomatie américaine Heather Nauert, pressée de questions à Washington sur les déclarations de Richard Grenell. « Il y a parfois des opinions que l’on peut aimer ou pas. Et il y a aussi la liberté d’expression », a-t-elle ajouté.

« Je crois que l’ambassadeur Grenell n’a fait que souligner qu’il y a des partis et des candidats qui s’en sortent bien en Europe en ce moment, rien de plus. »

Les critiques s’élèvent pourtant aussi dans le camp démocrate aux Etats-Unis. Dans un communiqué, la sénatrice Jeanne Shaheen rappelle que les ambassadeurs « ne doivent pas se mêler de la politique locale ou régionale en soutenant des partis politiques, des candidats ou des causes. Si l’ambassadeur Grenell ne veut pas s’abstenir de déclarations politiques, il devrait être rappelé immédiatement ».

Rencontre avec Benyamin Nétanyahou

L’entretien inaugural de M. Grenell, prévu ce mercredi, prend désormais des allures de convocation. « Nous aurons certainement des choses à nous dire », a prévenu le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas. Berlin lui a déjà demandé lundi, suite à l’interview à Breitbart, « une clarification ».

L’Américain est aussi accusé par ses détracteurs de se comporter en « vice-chancelier » allemand, en organisant des rencontres avec des dirigeants étrangers de premier plan de passage à Berlin : il a ainsi organisé lundi une entrevue avec Benyamin Nétanyahou, qui sortait tout juste d’une rencontre avec Angela Merkel. La chancelière allemande venait de réaffirmer sa volonté de maintenir en vie l’accord sur le nucléaire iranien, que rejette catégoriquement le premier ministre israélien, soutenu par les Etats-Unis.

De même, l’ambassadeur a pris l’initiative d’inviter à déjeuner le 13 juin le chancelier autrichien Sebastian Kurz, qu’il a qualifié de « rockstar » et dit admirer. M. Kurz, à la tête d’une coalition avec l’extrême droite, a souvent critiqué dans le passé la politique migratoire généreuse de Mme Merkel.

Longtemps freinée par le Sénat américain, la nomination de cet ancien porte-parole de la mission américaine à l’ONU sous l’administration Bush est intervenue seulement fin avril. L’opposition démocrate lui reprochait notamment des tweets sexistes.