Appartements mis en vente à Paris, le 10 octobre 2008. / STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Dans son état des lieux annuel sur les niveaux de vie et le patrimoine des Français, publié mardi 5 juin, l’Insee observe un léger accroissement des revenus mais l’écart de fortune grandit entre ceux qui possèdent un bien immobilier et les autres.

Le niveau de vie médian des Français atteint, en 2015, 1 692 euros par mois, soit un très léger mieux par rapport à 2014 (+ 0,4 %) sans toutefois retrouver le pouvoir d’achat d’avant-crise. Par niveau de vie, on entend le revenu disponible après impôts et prestations sociales par personne composant le ménage, ou plus précisément par unité de consommation : le premier adulte compte pour une unité, puis 0,5 par personne supplémentaire et 0,3 par enfant de moins de 14 ans. Ainsi, ces 1 692 euros signifient un pouvoir d’achat de 2 538 euros pour un couple sans enfant et de 3 553 euros pour une famille de quatre personnes avec deux enfants de moins de 14 ans.

Après une baisse continue depuis 2011, les 10 % des ménages les plus aisés ont vu leur pouvoir d’achat repartir à la hausse en 2015 avec au moins 3 125 euros par personne et par mois, soit 1,7 % de mieux. Les 10 % les plus modestes, qui disposent de 905 euros en moyenne par mois, n’engrangent qu’un modeste gain de 0,3 %.

La crise est passée par là

En 2015, la France compte 8,9 millions de pauvres, soit 14,2 % de la population, vivant avec moins de 60 % du niveau vie médian, c’est-à-dire moins de 1 015 euros pour une personne seule et de 1 223 euros mensuels pour un couple. Là encore, la crise est passée par là, faisant ­progresser le taux de pauvreté de 0,9 point et touchant 800 000 personnes de plus, entre 2008 et 2015. Selon des indicateurs provisoires, ce seuil recule, en 2016, à 14 %. Cela place la France parmi les pays affichant le taux de pauvreté le moins élevé de l’Union européenne – il atteint 16,6 % au Royaume Uni et 15 % en Allemagne – en raison notamment de son système de redistribution.

Mais ce qui creuse les inégalités, c’est la détention d’un patrimoine et particulièrement de biens immobiliers. Le patrimoine moyen brut (hors dette) d’un ménage atteint 158 000 euros et a doublé entre 1998 et 2015, mais à des rythmes très différents selon les catégories de ménages. Les 10 % les moins bien dotés disposent de 4 300 euros de patrimoine brut, 2 000 euros si l’on déduit les dettes. Cela inclut surtout des biens durables comme les voitures achetées à crédit et un peu d’argent, 700 euros accumulés sur des comptes bancaires ou livrets d’épargne, certes sans risque mais très peu rémunérateurs.

A l’autre bout de la « cordée », les 10 % des Français les plus aisés détiennent au moins 595 700 euros et, pour les 1 % les plus fortunés, 4,1 millions d’euros chacun, ­concentrant donc 16 % de la richesse des Français. Leur patrimoine, composé de biens professionnels (14 %), d’actifs financiers (25 %), d’assurances-vie, d’actions et surtout d’immobilier (51 %), a augmenté de 113 % entre 1998 et 2015.

Créer un parc à loyer abordable

Les actifs financiers se sont valorisés de 75 % entre 1998 et 2015, mais c’est surtout l’envolée des prix immobiliers qui, sur la période, a gonflé de 133 % la richesse des propriétaires. Or ceux-ci se recrutent très peu chez les ménages des trois premiers déciles, puisque ces 30 % de français les plus modestes sont restés locataires.

Ainsi, la clientèle du parc locatif privé comme public est aujour­d’hui nettement plus pauvre que dans les années 1990, ce qui devrait, en toute logique, conduire les pouvoirs publics à susciter la création d’un parc à loyer très abordable… En revanche, dès que l’on franchit le troisième décile, la propriété devient, grâce à l’accès au crédit, envisageable.

« L’accession à la propriété et à la résidence principale est ainsi ­particulièrement discriminante », écrivent les auteures de l’étude de l’Insee, Aline Ferrante et Rosalinda Solotareff : « Le patrimoine brut des accédants s’élève à 265 000 euros, assez proche de ­celui des propriétaires sans emprunt qui atteint 285 600 euros, mais très loin des locataires », dont la fortune se résume à 13 200 euros.

Depuis 1985, la pauvreté a changé de visage

Des années 1970 à 1984, le taux de pauvreté – vivre avec moins de 60 % du revenu médian –, en France, n’a cessé de décroître, reculant de 17,9 % à 13,5 % de la population. La chute s’expliquait en grande partie par l’amélioration du pouvoir d’achat des retraités. Ainsi, l’amélioration du niveau des pensions a fait reculer leur taux de pauvreté de 30,5 % à 10,9 %,

Entre 1985 et 2008, le taux de pauvreté de la population s’est stabilisé, oscillant entre 14,5 % et 12,6 %. La crise de 2008 l’a relancée, frappant notamment les familles monoparentales, de plus en plus nombreuses et de moins en moins riches parce que touchées par le chômage. Sur les 8,9 millions de pauvres, 2,1 millions de personnes, dont beaucoup d’enfants, vivent dans une famille monoparentale (chiffres 2015), soit 980 000 de plus qu’en 1996.