A Gaza, le bilan s’alourdit malgré une affluence moins forte
A Gaza, le bilan s’alourdit malgré une affluence moins forte
Par Piotr Smolar (Jérusalem, correspondant)
Les soldats israéliens ont tiré à balles réelles et lancé des grenades lacrymogènes pour disperser, vendredi, des manifestants à la frontière, faisant quatre morts et 120 blessés par balles.
Evacuation d’un jeune manifestant palestinien blessé, à la frontière entre Gaza et Israël, le 8 juin. / ADEL HANA / AP
Une forme étrange de soulagement domine, parmi les observateurs israéliens. Quatre morts, près de 120 blessés par balles : tel est le bilan de la nouvelle journée de la « marche du grand retour », à Gaza, vendredi 8 juin. Un bilan – on n’ose écrire le mot – mesuré, par rapport aux craintes exprimées par les hauts responsables militaires, les jours précédents. Parmi les blessés figure un photographe de l’Agence France-Presse, qui faisait son métier, à l’est de Jabaliya, en portant les signes distinctifs de la profession.
Selon l’armée, plus de 10 000 personnes – toujours qualifiées sans nuance d’« émeutiers » – se sont rassemblées le long de la clôture. Interrogé par Le Monde, Bassem Naïm, haut responsable du Hamas, estime quant à lui qu’il y aurait eu « au moins 70 000 manifestants ». « Mais on doit garder à l’esprit qu’on est en période de ramadan et d’examens au lycée », souligne-t-il.
Une façon de justifier une affluence moins élevée que ne l’avait escompté le comité national d’organisation. Le souvenir de la journée terrible du 14 mai, où une soixantaine de personnes avaient été tuées
Des Palestiniens envoient des cerfs-volants enflammés côté israélien
Durée : 01:53
Le 4 juin, le ministre de la défense, Avigdor Lieberman, a expliqué que l’armée était parvenue à intercepter 400 cerfs-volants sur 600 lancés de la bande de Gaza, depuis le début de la marche. Mais derrière ces chiffres en apparence rassurants, les autorités font face à l’exaspération de la population. Au total, 18 kilomètres carrés de terres agricoles et de forêts ont été brûlés, pour un préjudice estimé à 1,4 million de dollars. L’armée a organisé des groupes de pilotes de petits drones, pour neutraliser et détruire ces objets volants de fortune.
Aucun Israélien blessé
Jeudi, l’armée a lâché des tracts au-dessus de Gaza, appelant les gens à « ne pas se laisser transformer en outil par le Hamas pour ses intérêts étroits. Derrière ses intérêts se dresse l’Iran chiite, dont le but est d’enflammer la région au nom de ses intérêts religieux et ethniques. » La veille, le 6 mai, aux côtés de son homologue Theresa May, Benyamin Nétanyahou a déclaré :
« Nous ne sommes pas en présence de manifestations pacifiques. En plus de nos champs incendiés, ces gens sont payés et poussés par le Hamas pour enfoncer les défenses d’Israël, tuer autant d’Israéliens que possible, juste à côté de notre frontière, et kidnapper nos soldats. »
Depuis le 30 mars, aucun soldat israélien n’a été blessé au cours des manifestations de la marche, pas plus que le moindre civil.
Au cours d’une rencontre avec les correspondants étrangers, le 4 juin, Yoav Galant, ministre du logement et de la construction, a dénoncé toute analyse « en fonction du nombre de victimes ». « Au cours de la seconde guerre mondiale, 7,5 millions d’Allemands furent tués et seulement 500 000 Britanniques, a souligné ce membre du cabinet de sécurité et ancien chef du commandement Sud – incluant Gaza. Alors, qui était l’agresseur, qui avait raison ou tort, les Allemands ou les Britanniques ? »