Le Béninois Boris Brice Legba, l’éloquence au service de la science
Le Béninois Boris Brice Legba, l’éloquence au service de la science
Par Audrey Parmentier
L’étudiant d’Abomey-Calavi a remporté le premier concours international d’éloquence organisé par l’Université Paris I et l’Agence universitaire de la Francophonie.
Boris Brice Legba lors du concours d’éloquence organisé par l’université Paris I et l’Agence universitaire de la Francophonie le 28 mai 2018.
« Plutôt la plume de Rousseau que le pavé funeste de Gavroche », s’exclame fièrement Boris Brice Legba avant de marquer une pause. L’étudiant béninois savoure l’impact de ses mots. Coiffé d’une casquette en tartan gris assorti d’un foulard bigarré, M. Legba accompagne son verbe de gestes épiques.
A l’occasion du premier concours international d’éloquence, organisé par l’Université Paris I, le Béninois s’est frotté à l’art de la parole dans lequel il a excellé. Doué d’une gouaille moqueuse, son discours assuré a été récompensé le 28 mai, par le jury dirigé par Georges Haddad, président de l’institution. Boris Brice remporte un séjour culturel et académique à Paris prévu en 2019.
Doctorant en biochimie, microbiologie et pharmacologie, le jeune homme étudie à l’université d’Abomey-Calavi, près de Cotonou, au Bénin. C’est la première fois qu’il participe à un concours d’éloquence. Au total, 32 candidats, dont 16 étudiants africains, se sont affrontés lors de ces joutes oratoires. Cette année, l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) s’est associée à l’événement, mettant le continent africain à l’honneur. Parmi les huit finalistes, trois candidats étaient africains.
Le jeune homme tire au sort le sujet intitulé « La plume plutôt que le pavé ». L’objectif de la joute ? Défendre la version affirmative face à un concurrent chargé de la variante négative. Naviguant de la Révolution française à l’insurrection républicaine de juillet 1832, le Béninois nourrit son propos de références historiques. « Voltaire et Rousseau ont crayonné la Révolution par leurs plumes avant-gardistes qui préfiguraient le soulèvement populaire », clame M. Legba. A coups de métaphores et de tournures bien senties, Boris Brice loue le pouvoir de la plume « plus tranchante que l’épée ».
Son adversaire prend le relais. « La plume vous fait frissonner, mais le pavé vous fait clairement bouger », défend Romane Brière-Rome, étudiante en science politique et en philosophie à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Le style est moins exalté, mais les répliques ciselées de la jeune femme répondent à celles de son adversaire. Si « les écrits restent » pour l’un, « un pavé vaut mieux que des phrases » pour l’autre.
« Convaincre avec art »
Quand l’orateur quitte l’estrade, son discours soutenu résonne encore sur scène. Pour Boris Brice, « la parole constitue une dimension clé de notre personnalité ». Alors il la soigne, tirant sa culture des ouvrages qu’ils dévorent. Et les récompenses ne se font pas attendre. En 2017, le jeune homme a remporté le prix de la meilleure communication africaine du concours international de vulgarisation scientifique Imagine Pangea.
« Je me suis toujours dit que le plus important n’est pas de parler, mais de le faire avec art, et surtout pour convaincre », affirme Boris Brice Legba. Voilà ce que le Béninois apprend lors des cours de sciences naturelles qu’il dispense dans un lycée depuis cinq ans, en parallèle de ses recherches scientifiques.
Biberonné aux thèses d’Albert Einstein et de Charles Darwin, la science est devenue sa cause, et l’éloquence, un moyen de la diffuser. Mais tous les supports sont bons. Auteur d’un blog utilisé comme cahier de recherche, il dévoile ses travaux scientifiques aux lecteurs. En 2016, l’étudiant fonde l’association 229 Jeunes scientifiques qui vise à « mettre la recherche scientifique au service du développement du Bénin ». A travers cette initiative, il met l’accent sur l’innovation afin de renforcer, gratuitement, les capacités des jeunes chercheurs béninois. Le jeune homme aime créer des connexions. Comme entre le Bénin et la France où il partira si ses projets l’imposent.
Sur le terrain de sa vie privée, il est plus avare. Notamment sur sa famille. Sa fiancée, qui l’a aidé dans la préparation du concours, est fière de lui. Il n’en dira pas plus. Pour une fois, les mots lui manquent.