Droite et extrême droite appellent à l’annulation de concerts du rappeur Médine au Bataclan
Droite et extrême droite appellent à l’annulation de concerts du rappeur Médine au Bataclan
Par Olivier Faye, Stéphanie Binet
Sa présence dans cette salle où 90 personnes ont péri en 2015 choque, alors qu’il rappait, début 2015, dans « Don’t laïk », « crucifions les laïcards comme à Golgotha ».
Vers un bis repetita ? En 2016, la « fachosphère » avait obtenu, avec le soutien d’élus de droite et d’extrême droite, l’annulation d’un concert du rappeur Black M prévu en marge des commémorations de la bataille de Verdun. Le chanteur était alors considéré comme « injurieux à l’égard des Français » en raison des paroles de certaines de ses chansons. C’est aujourd’hui un autre rappeur qui se trouve dans le viseur de la même « fachosphère », encore une fois appuyée par des élus issus de la droite et de l’extrême droite : Médine, qui est censé se produire au Bataclan, à Paris, les 19 et 20 octobre.
Sa présence sur la scène de cette salle où 90 personnes ont péri, le 13 novembre 2015, dans l’attentat perpétré par un commando djihadiste, choque, alors qu’il a été l’auteur d’une chanson polémique début 2015, Don’t laïk, dans laquelle il déclare « crucifions les laïcards comme à Golgotha » et « j’mets des fatwas sur la tête des cons ».
« Au Bataclan, la barbarie islamiste a coûté la vie à 90 de nos compatriotes. Moins de trois ans plus tard, s’y produira un individu ayant chanté “crucifions les laïcards” et se présentant comme une “islamo-caillera”. Sacrilège pour les victimes, déshonneur pour la France », s’est ému sur Twitter, dimanche 10 juin, le président du parti Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez. « Aucun Français ne peut accepter que ce type aille déverser ses saloperies sur le lieu même du carnage du Bataclan. La complaisance ou pire, l’incitation au fondamentalisme islamiste, ça suffit ! », a pour sa part réagi la présidente du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen.
Le député LR des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti, a demandé « au président Emmanuel Macron d’interdire ce concert », tandis que le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, a appelé le ministre de l’intérieur Gérard Collomb « à utiliser contre ce rappeur les mêmes armes que celles utilisées contre Dieudonné ».
« Tendre un piège à tous les feignants »
La direction du Bataclan, pour l’instant, reste sourde aux différentes demandes d’entretien. Seul le tourneur de Médine, Eric Bellamy, de la société Yuma Prod, spécialisée dans les concerts hip-hop, a bien voulu réagir, dimanche, en début de soirée : « Nous maintenons les concerts comme prévu. Franchement, je ne comprends pas. Médine s’est expliqué plusieurs fois sur le morceau Don’t laïk. Il n’y a aucune ambiguïté dans ce qu’il dit. Il a même écrit un texte magnifique sur le Bataclan auquel tout le monde a adhéré. »
Vue plus de 2,6 millions de fois sur Youtube depuis le 12 mars 2018, jour où Yuma Prod mettait en vente les billets du concert dans la salle parisienne, la vidéo montre en effet le rappeur du Havre sur une scène du Bataclan vide.
Médine - Bataclan (Official Video)
Durée : 04:22
Dans son texte, Médine écrit : « Quand je ne connaissais pas le statut d’intermittent/Que ma pauvreté, c’était mon taff à plein-temps/Y’avait qu’une seule chose qui changeait le mal en patience/Tout ce que je voulais, c’était faire le Bataclan. » Produit sur le label indépendant Din Records depuis le début de sa carrière, Médine Zaouiche, 35 ans, a joué très tôt avec les représentations que l’on pouvait avoir du rap ou de l’islam, un mode d’expression et une confession qu’il a choisis à l’adolescence. Dans une interview pour le site Clique en février 2017, il dit avoir voulu dans ses raps « tendre un piège à tous les feignants qui ne s’arrêtent qu’à une image ».
Clique x Médine
Durée : 27:17
Dès la sortie de ses premiers albums qui sont publiés après les attentats du 11 septembre 2001, il fait fabriquer des t-shirts avec l’inscription, I’m muslim, don’t panik (Je suis musulman, ne paniquez pas). Si l’emballage est gros, la voix rauque et l’attitude souvent bravache, les textes de Médine sont en revanche plutôt progressistes. Sa dernière provocation Don’t laïk sera diffusée une semaine avant l’attentat contre Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015.
Il s’expliquera, dès le lendemain, dans un long texte sur sa page Facebook puis dans Les Inrocks sur l’inspiration de ce morceau : « Je voulais absolument parler de la façon dont est manipulée aujourd’hui une valeur républicaine comme la laïcité alors que dans son esprit et sa lettre, la laïcité est faite pour réunir les gens. » Depuis, le rappeur a mis de l’eau dans son vin, mais ses provocations passées semblent à nouveau le piéger.