Le nouveau pacte ferroviaire, ce projet de loi réformant la SNCF – qui a déclenché un conflit social inédit par sa forme et sa durée –, a désormais son contenu définitif. Lundi 11 juin, députés et sénateurs sont parvenus en commission mixte paritaire à une version commune de la future loi de réforme ferroviaire, ouvrant la voie à son adoption finale en séance par l’Assemblée nationale mercredi 13 juin, puis par le Sénat jeudi 14.

Le moment est solennel, car même si le contenu essentiel du texte a déjà été largement commenté, la réforme est d’ampleur. Elle consiste en un big bang pour la SNCF dont l’impact est programmé au 1er janvier 2020. Ce jour-là, la compagnie ferroviaire nationale verra simultanément l’arrivée d’entreprises concurrentes dans le transport intérieur ferroviaire de voyageurs, sa transformation en une société anonyme et la fin de l’embauche des nouveaux salariés de la SNCF au fameux statut des cheminots.

L’arrivée de la concurrence, dont les modalités inquiètent tant les agents SNCF, prendra deux formes. Pour les actuelles dessertes TGV, la loi, s’inspirant du modèle italien, autorisera des sociétés de droit privé à faire rouler des trains à grande vitesse sur les lignes empruntées par les TGV de la SNCF. En ce qui concerne les trains régionaux, c’est plutôt le système allemand qui inspire la réforme. Les régions pourront soumettre des lignes ou des tronçons de lignes à appels d’offres. Si une compagnie concurrente emporte le marché, elle se substituera à la compagnie historique, ce qui entraînera le transfert obligatoire des cheminots SNCF rattachés à cette ligne vers la société gagnante.

La grève continue

Des amortisseurs sociaux ont été ajoutés à ce nouveau système, essentiellement par la majorité sénatoriale, mais aussi sous la pression d’un mouvement de grève qui dure depuis le 3 avril. Dans le cadre du fameux transfert des salariés lors du passage d’une ligne régionale à la concurrence, les cheminots emportent avec eux la garantie de l’emploi et leurs droits à la retraite. Des possibilités de refus ont été aménagées pour les salariés dont l’activité n’est pas majoritairement consacrée à ladite ligne. Par ailleurs, un droit au retour à la SNCF (au bout de trois ans passés à la concurrence et jusqu’à huit ans), avec réintégration au statut, est également possible.

La loi est donc écrite. Pourtant, la grève continue. Elle devait même connaître un rebond mardi 12 juin, avec un nouvel épisode décrété Journée de la colère cheminote par l’intersyndicale des quatre organisations représentatives de la SNCF (CGT, UNSA, SUD et CFDT). Le trafic était annoncé comme plus perturbé que les jours de grève précédents (avec trois TGV sur cinq et un TER sur deux en circulation) et 55 % des conducteurs s’étaient déclarés grévistes.

« Ce mouvement est désormais un canard sans tête », murmure t-on dans les hautes sphères de la SNCF, où l’on s’inquiète d’une « hausse significative » depuis plusieurs semaines du nombre d’actes de malveillance. De fait, les grévistes ne pourront dorénavant plus rien changer à la loi. Les ultimes tentatives de l’UNSA et de la CFDT de faire amender le texte en commission mixte paritaire, comme ils avaient pu le faire lors du passage de la réforme au Sénat, sont restées vaines.

L’attention des syndicats devrait désormais se porter sur les négociations avec le patronat sur la convention collective de la branche ferroviaire, que les organisations sociales espèrent d’un niveau tel qu’elle pourrait les consoler de l’extinction du statut. Une première réunion doit se tenir vendredi 15 juin dans un cadre tripartite, c’est-à-dire sous le haut patronage de l’Etat. En attendant, le calendrier de la grève continue à courir jusqu’au 28 juin.