Documentaire sur France 3 à 1 h 15

Six ans et près de trois mois à Matignon. C’est là le plus long bail qu’ait connu la République et c’est à Charles de Gaulle que Georges Pompidou le dut. Le binôme marqua d’autant plus les esprits que le premier « inventa » le second et que l’héritier supposé hâta la succession en se déclarant candidat à la présidence avant même qu’elle fût vacante.

Tout commence en 1944. Le 26 août, Claude et Georges Pompidou découvrent sur les Champs-Elysées la silhouette de celui qui, pour eux, n’était jusque-là qu’une voix et un symbole. Le jeune professeur de lettres décide de se rapprocher du grand homme.

Par son ami normalien René Brouillet, directeur de cabinet du général, il se voit chargé de mission à Matignon et participe modestement à la phase de remise en ordre à la Libération. Mais la rencontre est déjà décisive. De Gaulle apprécie cet homme à l’« esprit clair » qui sait écrire mais aussi penser. Il l’adopte comme protégé avec une bonhomie qui peut surprendre : « Pompidou, ­dites-moi, votre nom a l’air de se moquer du monde. »

Le dénouement brutal de l’idylle

Quand l’épisode gaullien tourne court, en janvier 1946, le Général n’oublie pas ce collaborateur talentueux. Parce qu’il échappe aux coteries, Pompidou devient l’homme de confiance. Mais les revers électoraux du parti gaulliste semblent interdire tout espoir de retour au pouvoir. Du coup, Pompidou s’émancipe et accepte en 1954 de travailler à la banque Rothschild.

Toutefois, dès que de Gaulle est appelé à Matignon, au plus chaud de la crise algérienne, en juin 1958, le nouveau banquier honore sa promesse de fidélité au Général et le rejoint comme directeur de cabinet. La mutation s’amorce et Pompidou, devant les gaullistes historiques, devient le maître à penser du gouvernement. A la naissance de la Ve ­République, Pompidou se ­contente toutefois de siéger au Conseil constitu­tionnel, poste qu’il ne quitte que pour Matignon en avril 1962.

Jouant d’une dramaturgie ­appuyée qui souligne les tensions et les heurts bien plus que la proximité complice des deux hommes, l’évocation prépare, dès lors, le dénouement ­brutal de l’« idylle ». La rupture radicale, inexpiable même dès 1968, dit cependant davantage une ­concurrence d’ego qu’une divergence de ligne. De bonne guerre, vu la ­stature de ces deux prota­gonistes.

De Gaulle et Pompidou, jusqu’à la rupture, de Catherine Nay et Antoine Coursat (Fr., 2018, 95 min).