TV – « Three Girls » : jeunes filles violées et piégées
TV – « Three Girls » : jeunes filles violées et piégées
Par Martine Delahaye
Notre choix du soir. Inspirée de faits réels, cette série relate l’histoire d’adolescentes démunies aux prises dans un réseau de prostitution (sur Arte à 20 h 55).
Three Girls: Trailer - BBC One
Durée : 00:41
Three Girls fait plus que s’inspirer de faits réels, comme l’indique l’avertissement en ouverture de cette minisérie britannique : « Ceci est une histoire vraie. Cette reconstitution s’appuie sur une enquête minutieuse, des entretiens et des témoignages parus dans la presse. »
Se basant sur le procès, en 2012 au Royaume-Uni, de neuf hommes de la communauté pakistanaise accusés d’avoir violé et exploité sexuellement quarante-sept mineures entre 2004 et 2010, la scénariste Nicole Taylor (The Hour, Indian Summers) et la réalisatrice Philippa Lowthorpe (The Crown) ont pris trois ans pour approcher et longuement interroger certaines de ces victimes. Et finalement focaliser leur récit quasi documentaire sur trois d’entre elles. Trois ados que la police et les services sociaux de la ville jugeaient comme des enfants « à problèmes ». Trois mineures qui se sont fait piéger dans un trafic de prostitution forcée avant de se voir abandonnées, pour ne pas dire trahies, par les institutions censées les protéger.
Tout cela eut lieu à Rochdale, une cité anciennement ouvrière du nord de l’Angleterre, à proximité de Manchester. Lorsque la minisérie débute, en 2008, Holly Winshaw, 15 ans, vient d’y emménager avec sa famille, qui connaît une mauvaise passe financière. Déracinée, en butte au rigorisme de son père et au silence de sa mère, Holly s’acoquine avec deux sœurs du quartier, Amber et Ruby Bowen (15 et 13 ans), qui, livrées à elles-mêmes, ont appris à ne compter que sur elles pour survivre.
Dans un fast-food pakistanais
Ayant pris l’habitude de passer une bonne partie de leur temps dans un fast-food pakistanais, les deux sœurs y entraînent Holly, sachant que l’un des employés, Shabir Ahmed, dit « Daddy », les nourrira de kebabs et les approvisionnera en cigarettes et en vodka. Jusqu’au jour où « Daddy » viole Holly « en contrepartie » de ses cadeaux. Comme lui et ses copains l’avaient fait auparavant avec Amber et Ruby, les deux sœurs à la fois victimes et rabatteuses, terrorisées et accoutumées à ce mode d’échange, copines avec Holly mais lui taisant le trafic dans lequel elle va se voir happée.
Interpellée pour avoir brisé de rage le comptoir du fast-food, Holly confiera, au cours de son interrogatoire, avoir été violée. Ce qui n’empêchera pas la police et son père de continuer à la traiter comme une délinquante ayant contrevenu à l’ordre public, et non comme une victime osant parler malgré la terreur qui l’habite. En dépit de sa déposition et de traces d’ADN de son agresseur sur ses sous-vêtements, l’affaire sera classée sans suite : ses mauvaises fréquentations et sa consommation d’alcool empêcheraient Holly de constituer « un témoin crédible devant une cour », selon la police judiciaire… Ce qui rendra l’emprise des Pakistanais sur les trois filles plus oppressante et ignominieuse encore.
De gauche à droite : Ria Zmitrowicz, Liv Hill et Lisa Riley. / SOPHIE MUTEVELIAN/BBC
Three Girls, qui remplit une claire mission d’éducation et de prévention, a reçu le prix spécial 2017 du jury à La Rochelle au titre de la fiction européenne, et, au Royaume-Uni, cette année, cinq Bafta, l’équivalent britannique des Césars, dont celui de la meilleure minisérie et de la meilleure actrice pour Molly Windsor, qui interprète Holly. Jouissant d’une formidable équipe de comédiens, la série se focalise à raison sur le point de vue des ados, sans manichéisme ni moralisme.
Three Girls. Minisérie créée par Nicole Taylor. Avec Molly Windsor, Ria Zmitrowicz, Liv Hill, Maxine Peake, Paul Kaye (GB, 2017, 3 x 60 min, VOSTF/VF).