Macron, Pierre Loti et l’« anachronisme mémoriel »
Macron, Pierre Loti et l’« anachronisme mémoriel »
Par Cédric Pietralunga
Des associations antiracistes reprochent à l’auteur de « Pêcheur d’Islande » des écrits antisémites et anti-Arméniens.
« Il ne faut pas chercher à faire des polémiques sur tout ! » Pour clore son « immersion » de deux jours en Vendée et en Charente-Maritime, Emmanuel Macron pensait s’offrir un intermède culturel apaisé en visitant, jeudi 14 juin, la maison natale de l’écrivain Pierre Loti, à Rochefort. Fermée depuis 2012 et aujourd’hui dans un état très dégradé, la bâtisse au décor moyenâgeux et orientalisant fait partie des monuments en péril sélectionnés par l’animateur Stéphane Bern pour participer au Loto du patrimoine, prévu le 3 septembre et qui doit permettre de financer la restauration de 269 sites.
« Discours de haine »
C’était compter sans l’appel au boycott lancé par des associations antiracistes qui reprochent à l’auteur de Pêcheur d’Islande (1886, Calmann-Lévy), mort en 1923, des écrits antisémites et anti-Arméniens. Dans une tribune publiée le 1er juin par Le Monde, l’Union des étudiants juifs de France, SOS-Racisme ou encore l’Union générale arménienne de bienfaisance demandaient au chef de l’Etat « de renoncer à se rendre dans la maison de Pierre Loti (…), de retirer cet édifice de la liste des bénéficiaires de cette belle initiative et de débaptiser les établissements scolaires au nom de cet auteur de discours de haine ».
« Il ne faut pas avoir des combats anachroniques », a tenté de convaincre le chef de l’Etat lors de sa visite, au cours de laquelle il était accompagné de la ministre de la culture, Françoise Nyssen, et de M. Bern. Pour Emmanuel Macron, revisiter des œuvres anciennes avec des yeux contemporains reviendrait à condamner nombre d’auteurs. Même dans Voltaire et Montesquieu, « vous trouverez toujours de quoi vous indigner », a-t-il assuré, reconnaissant néanmoins que, « si Pierre Loti écrivait aujourd’hui, on lui ferait une polémique légitime ».
« Je sauve les maisons et pas les réputations », a abondé Stéphane Bern, qui se démène depuis des mois pour mettre sur pied son Loto, censé rapporter entre 15 et 20 millions d’euros à la Fondation du patrimoine. « Je ne fais pas d’anachronisme mémoriel », a ajouté l’animateur, estimant lui aussi qu’« on fait un mauvais procès à Pierre Loti ». Le coût de restauration de la maison est estimé à plus de 5 millions d’euros.