La tâche est lourde. En mars, Agnès Buzyn, la ministre de la santé et des solidarités, a constitué un groupe de travail pour plancher sur une question difficile : comment rendre effective l’interdiction des sites pornographiques aux moins de 18 ans ? Aujourd’hui, n’importe qui peut y accéder : la seule barrière est souvent de cliquer sur un bouton « je suis majeur » à l’entrée du site. Peut-on faire mieux ?

Le Royaume-Uni a pris quelques années d’avance et, avec, la mesure du problème. En 2013, le premier ministre d’alors, David Cameron, a poussé les grands fournisseurs d’accès à Internet (FAI) à prendre une mesure extrêmement restrictive : par défaut, les sites pornographiques seront bloqués chez les internautes britanniques. Les personnes souhaitant y accéder devront cocher une option sur l’interface du FAI.

Facile à contourner

Problème, le dispositif fit de nombreuses victimes collatérales. Des sites sur la santé, l’éducation sexuelle ou encore la communauté LGBT furent bloqués par erreur. Qui plus est, ce système reste insatisfaisant : si des parents souhaitent consommer de la pornographie, leurs enfants peuvent alors techniquement accéder à ces sites.

C’est pourquoi le gouvernement britannique a décidé, en juillet 2017, de resserrer la vis en inscrivant dans la loi le devoir, pour les sites pornographiques, de vérifier l’âge de leurs visiteurs britanniques. Les contrevenants s’exposent à une amende de 250 000 livres (285 000 euros) et au blocage de leur site par les FAI. Ce texte devrait être rendu effectif courant 2018.

Le Royaume-Uni a laissé aux sites la responsabilité de se doter de leurs propres systèmes de vérification. Plusieurs pistes existent. Ils pourraient par exemple demander un numéro de carte de crédit – mais cela exclut de facto toutes les personnes majeures n’en disposant pas.

MindGeek, propriétaire de sites X de premier plan, comme Pornhub et YouPorn, a proposé une alternative : un système qu’il a baptisé « AgeID ». Les internautes pourront l’utiliser avec un identifiant et un mot de passe, leur majorité sera certifiée par « une entreprise tierce », et ils accéderont à tous les sites équipés du dispositif. Quant aux fameuses entreprises tierces, MindGeek n’en dit pas plus. Il en existe plusieurs spécialisées dans la vérification d’âge, qui se basent sur des données fournies par l’utilisateur, comme son pseudonyme sur les réseaux sociaux, son compte PayPal ou des informations sur son FAI.

Un type de technologie qui donne des sueurs froides à Open Rights Group, une association de défense des libertés numériques britannique. Elle s’est ainsi déclarée « très inquiète » dans un communiqué, estimant qu’AgeID pourrait « tracer les usages pornographiques des gens ». Les promesses de MindGeek, qui assure qu’elle ne stockera pas de données personnelles, n’ont pas suffi à la rassurer. Pour l’association, il sera très difficile pour le régulateur « de s’assurer que la vérification d’âge est sécurisée et anonyme ».

Une autre possibilité a été soulevée par les autorités : la création de passes, que les internautes pourraient se procurer dans les magasins contre quelques livres sterling et une preuve de leur majorité. Dessus, un code unique permettrait d’accéder aux sites pornographiques, sans fournir d’autres données.

Quelles que soient les méthodes choisies, l’interdiction aux mineurs s’annonce toutefois relativement facile à contourner. En utilisant, par exemple, des VPN (virtual private networks ; réseaux privés virtuels), des programmes simples à installer, et parfois gratuits, l’internaute pourra se connecter à un site X via un autre pays et, par conséquent, être dispensé de prouver son identité.