Coupe du monde : la France passe au VAR
Coupe du monde : la France passe au VAR
Par Clément Guillou
Le premier penalty accordé grâce à l’arbitrage vidéo l’a été pour la France contre l’Australie, à l’issue d’une séquence à laquelle il faudra bien s’habituer.
Cours de géométrie dans l’espace. / Pavel Golovkin / AP
Et si c’était ça, la start-up nation ? Vendredi 16 juin, pour son entrée en lice face à l’Australie (2-1), la France a mis la technologie à son service en obtenant le premier penalty validé par l’arbitrage vidéo (VAR, Video Assistant Referee) dans l’histoire de la Coupe du monde. Après avoir transformé le penalty par Antoine Griezmann, l’équipe de Didier Deschamps a repris l’avantage face aux Australiens grâce à un but de Paul Pogba ayant franchi de très peu la ligne et validé par la « goal-line technology ».
Profiter des innovations mises en place par la Fifa est une habitude bien française : en 1998, Laurent Blanc marquait le premier but en or de l’histoire de la Coupe du monde ; en 2014, Karim Benzema inscrivait contre le Honduras le premier but validé par la « goal-line technology ». Remontons même un poil plus loin : en 1930, Lucien Laurent devenait le premier buteur de l’histoire de la Coupe du monde face au Mexique.
Pour les supporteurs de l’équipe de France, la VAR est surtout arrivée à point nommé, tant la pelouse ensoleillée de Kazan n’avait rien d’un Eden pour les Bleus jusqu’à cette 54è minute. Paul Pogba, d’une longue ouverture à ras de terre, lance Antoine Griezmann dans la surface de réparation. Le Français a Joshua Risdon à ses trousses, l’Australien tacle et le Bleu s’effondre. « Jouez », dit l’arbitre qui repart immédiatement suivre la contre-attaque des Socceroos.
« Bien qu’il y ait de la vidéo pour ce cas »
Vingt longues secondes plus tard, alors que le ballon sort en touche, M. Andres Cunha donne trois coups de sifflet. Les ralentis défilent sur les écrans, jusqu’à ce que l’arbitre donne trois nouveaux coups de sifflet, dessinant un rectangle. Un geste qui suscite une explosion d’enthousiasme dans les tribunes, celle des supporteurs des Bleus. M. Cunha file sous un petit abri siglé VAR, visionne les ralentis, souffle un coup et revient sur le terrain pour désigner le point de penalty. Deuxième explosion de joie. Une troisième suivra quand Antoine Griezmann exécutera la sentence.
Sympas, les abribus de la Fifa. / Hassan Ammar / AP
Sur les ralentis, sous plusieurs angles, la faute de Risdon n’apparaît pas clairement, mais comme le promettait l’arbitre français Clément Turpin avant la compétition : « L’arbitre sera toujours le décideur au moment de la situation. La vidéo sera une aide, un soutien, mais le décideur au départ de l’histoire c’est l’homme, et à la fin de l’histoire c’est l’homme. »
En l’occurence, M. Cunha est revenu sur la décision qu’il avait prise à vitesse réelle, alerté par l’Argentin Mauro Vigliano (VAR sur cette rencontre). « Ce n’est pas une simulation. Ca fait du bien qu’il y ait la vidéo pour ce cas », s’est réjoui Antoine Griezmann sur BeIn Sport.
90 secondes
La veille, lors de Portugal-Espagne (3-3), l’Italien Gianluca Rocchi avait fait appel à l’arbitre assistant avant de valider le premier but, signé Diego Costa, mais pas à l’assistance vidéo proprement dite. L’arbitre avait souhaité s’assurer que le contact entre l’attaquant espagnol et le Portugais Pepe était régulier.
Inévitablement, cette première décision assistée par la vidéo devrait réveiller les antagonismes entre adversaires et partisans de cette technologie.
La séquence a confirmé que, même dans un cas où la décision était complexe à prendre, le processus n’était pas interminable : 90 secondes se sont écoulées entre l’action litigieuse et le moment où M. Cunha a désigné le point de penalty. Mais ce sont des secondes qui paraissent des heures, lorsque l’enjeu est celui d’un match de Coupe du monde, même de premier tour, même contre l’Australie.
Elle confirme aussi, mais la saison des championnats italien et allemand - où l’arbitrage vidéo est déjà appliqué - l’avait déjà confirmé, que la VAR ne met pas un terme aux contestations : le sélectionneur australien Bert Van Marwijk et ses joueurs ne se sont pas privés de faire connaître leur avis à l’arbitre au prétexte que celui-ci avait pu s’appuyer sur les images. Dans une atmosphère plus tendue et avec davantage d’enjeux, c’est avec une pression décuplée sur les épaules que l’arbitre devra analyser l’action litigieuse, devant son écran.
L’arbitrage vidéo a permis de ramener un climat serein sur les pelouses. / David Vincent / AP
« Le langage corporel de l’arbitre montrait qu’il n’était pas très sûr de lui, a commenté Van Marwijk en conférence de presse. J’ai reçu beaucoup de réactions : sur dix, sept disaient qu’il y avait penalty, et trois que non… Il est très difficile pour l’arbitre de prendre une décision. Il était très près de l’action et n’a pas sifflé sur le moment. Les arbitres aussi sont des humains et l’erreur est humaine. La VAR, c’est un début, et nous avons beaucoup à apprendre sur ce système et son utilisation. »
C’est en mars dernier que le Board, garant des lois du jeu, a validé l’utilisation de l’assistance vidéo, deux semaines après que la Fifa a annoncé son intention de l’expérimenter en Russie. Le président de l’instance, Gianni Infantino, raconte s’être transformé en grand défenseur du dispositif après y avoir été initialement opposé.
Durant cette Coupe du monde, le VAR pourra être utilisé dans quatre situations : après un but marqué, sur une situation de penalty, pour un carton rouge direct ou en cas d’erreur sur l’identité d’un joueur averti ou exclu.