Sélection galeries : Jean Perdrizet et John M Armleder à Paris
Sélection galeries : Jean Perdrizet et John M Armleder à Paris
Par Emmanuelle Lequeux, Philippe Dagen
Des plans de machine prodigieux exposés à la galerie Christian Berst, et une série de « Peintures en flaque » à la galerie Almine Rech.
- Jean Perdrizet à la galerie Christian Berst
Sans titre (oscillogramme à friction), technique mixte sur papier (1965), de Jean Perdrizet. / Galerie Christian Berst
Jean Perdrizet (1907-1975) travaille aux Ponts et Chaussées quand il se découvre, à 24 ans, inventeur – inventeur prodigieux de systèmes et de machines dont l’efficacité serait proportionnelle à la complexité. Cette révélation lui fait perdre son emploi en 1939, et il passe le reste de sa vie à concevoir des moteurs et des structures. Il en dessine et colorie les plans, de plus en plus vastes, dont le moindre élément est longuement expliqué par des commentaires tout aussi impénétrables que ses schémas. Il y a là « l’hélicoptère à dissymétrie centrifuge » et le « théodolite à quatre piles ricochant sur les bords ». Il ne recule pas non plus devant la rédaction d’un Traité de géométrie analytique électrique. Il adresse ses fabuleuses nouveautés au CNRS, à la NASA, à l’Unesco ou au Vatican. Mais personne, dans ces tristes institutions, ne prend la mesure de son génie et ne lui répond. Aujourd’hui, non seulement on demeure captivé par l’élégance de ses dessins, l’étendue de son imagination et sa rhétorique inépuisable, mais on reconnaît en son œuvre l’une des manifestations les plus pures et les plus accomplies du développement des sciences et des techniques qui caractérise le monde depuis deux siècles. Perdrizet, qui aurait passionné Roussel et Duchamp, est la figure allégorique parfaite de la modernité, qui est devenue folle bien plus que lui. Philippe Dagen
Deus ex machina 2, Galerie Christian Berst, 3-5, passage des Gravilliers, Paris (3e). Tél. : 01-53-33-01-70. Du mardi au samedi de 14 heures à 19 heures. Christianberst.com. Jusqu’au 13 juillet.
- John M Armleder à la galerie Almine Rech
« Cigale des bois » (2018) de John M Armlede. / Galerie Almine Rech
La peinture de John Armleder est un étonnant mix entre la rutilance d’une carrosserie et la fulgurance d’une lave volcanique. Un mariage entre le bêtement domestique et la force tellurique. Le plasticien suisse en fait plus que jamais la démonstration avec cette exposition, qui dévoile ses dernières toiles : des coups de poing assenés au bon goût, comme le facétieux sexagénaire en a si souvent porté. Mais des coups de poing tels qu’on en redemande ! Jaillissements de paillettes et coulures maîtrisées, cicatrices à vif et épidermes lisses, splashs et clashs… Et soudain, la quiétude d’une aurore boréale, la rondeur d’une colline. Portées sur des murs monochromes, envahies souvent de gadgets plastique (Hulk, scorpions et dinosaures en tout genre), ces séries fraîchement sorties de l’atelier s’amusent à déjouer le regard ; elles surprennent à chaque pas, rejouant toute l’abstraction du XXe siècle, comme une pantomime. Emmanuelle Lequeux
John M Armleder. Galerie Almine Rech, 64, rue de Turenne, Paris 3e. Tél. : 01-45-83-71-90. Du mardi au samedi, de 11 heures à 19 heures. Alminerech. com. Jusqu’au 28 juillet.