Six nationalistes condamnés et deux acquittés pour des attentats en Corse en 2012
Six nationalistes condamnés et deux acquittés pour des attentats en Corse en 2012
Le Monde.fr avec AFP
Le principal accusé, Pierre Paoli, est acquitté. Trois nationalistes sont incarcérés pour des attentats commis il y a six ans contre des résidences secondaires en Corse.
Pierre Paoli, à son arrivée à la cour d’assises de Paris, le 11 juin 2018. / BERTRAND GUAY / AFP
La cour d’assises de Paris a acquitté vendredi 22 juin deux nationalistes corses, dont le principal accusé Pierre Paoli, mais condamné six autres dont trois avec mandat de dépôt pour des attentats contre des résidences secondaires sur l’île en 2012.
Après dix heures de délibéré, le président de la cour d’assises spéciale, composée uniquement de magistrats, comme c’est le cas dans les affaires de terrorisme, a annoncé le verdict dans une salle comble.
Quelques minutes après, les trois accusés les plus lourdement condamnés quittaient la salle pour la prison, dans l’agitation, en criant « Liberta! » sous les applaudissements du public. La mère de l’un d’eux s’est évanouie, alors qu’un père a pris à partie un gendarme qui ne le laissait pas embrasser son fils qui partait en détention.
Les huit nationalistes corses étaient jugés depuis le 11 juin pour des faits remontant à mai et décembre 2012: plusieurs dizaines d’attentats avaient alors visé des résidences secondaires aux quatre coins de l’île, sans faire de victimes. Des attaques revendiquées par le FLNC (Front de libération nationale corse), au nom de son « combat contre la spéculation immobilière ».
Mais tous ont nié avoir pris part à ces attentats. Ces nationalistes réfutent avoir été membres du FLNC, sans toutefois condamner la lutte armée à laquelle ce groupe clandestin a fini par renoncer il y a quatre ans. Il s’agissait donc a priori du dernier procès pour des « nuits bleues » en Corse (séries d’attentats).
Pierre Paoli acquitté
Pierre Paoli, qui était soupçonné d’avoir été le chef du FLNC, a été acquitté. De même que Fernand Agostini, le patron du restaurant le Relais de Mezzavia à Ajaccio, qui est passé pendant longtemps pour un point de rencontre de membres du FLNC. « Les charges sont insuffisantes pour retenir la culpabilité », a déclaré le président Régis de Jorna.
Le parquet avait déjà requis jeudi l’acquittement de Pierre Paoli. « J’ai toujours pensé qu’il serait acquitté compte tenu de l’absence de charges », a réagi son avocat Emmanuel Mercinier-Pantalacci. Pierre Paoli a été incarcéré dans cette affaire de février 2015 à septembre 2016. Certains de ses co-accusés ont fait jusqu’à trois ans de détention provisoire.
Tout au long du procès, M. Paoli, boxeur de 65 ans à la carrure imposante, a été présenté par ses proches comme « un homme de paix ». Il dit avoir prôné la fin de la lutte armée dès 2010, sans toutefois la condamner.
Deux de ses co-accusés ont été condamnés à 6 ans de prison, un troisième à 5 ans. Les autres ne retourneront pas en prison, les peines étant couvertes par la détention provisoire. Les éléments recueillis lors de l’enquête (sonorisation avec micros placés dans des voitures et dans le bar de Fernand Agostini, géolocalisation, exploitation du matériel informatique) ont permis à la cour de conclure à leur culpabilité.
Droit au silence
La plupart de ces accusés ont fait valoir leur droit au silence pendant les deux semaines de procès, suscitant souvent l’énervement du président contraint à de longs monologues. « Si vous voulez tous aller à l’abattoir, allez à l’abattoir! », a-t-il même lâché en début de semaine aux accusés, des trentenaires en majorité.
L’avocate générale Maryvonne Caillibotte a expliqué jeudi qu’elle gardait « une incertitude inquiétante » car, si le FLNC a abandonné la lutte armée, « il n’a jamais déposé les armes ».
Mais tout au long du procès, la défense n’a cessé de répéter que la page de la violence était « tournée ». Ce procès est « anachronique », a même dit Jean-Guy Talamoni, président de l’Assemblée de Corse, venu témoigner la semaine dernière. « Nous sommes aux antipodes » de la situation de 2012, a affirmé le chef de file du parti indépendantiste Corsica Libera. « Il faudra que votre décision renforce la démarche de paix qui s’installe aujourd’hui », avait-il plaidé.
Le nationalisme corse a tourné la page des attentats et a triomphé dans les urnes, en obtenant une majorité absolue aux élections territoriales en décembre.