Chronique. L’équipe égyptienne de football, première nation africaine éliminée de la Coupe du monde 2018, joue son dernier match, lundi 25 juin, face à l’Arabie saoudite, avec l’espoir de ramener une victoire de son périple russe. Cette prestation sans gloire des Pharaons est logique au regard de la forme physique de son attaquant vedette, Mohamed Salah, attendu en Russie avec autant de ferveur que Lionel Messi, Cristiano Ronaldo ou Sadio Mané. L’Egyptien, qui a raté le premier match et traîné une épaule endolorie au deuxième, n’a pu aider son équipe à passer le premier tour.

Un espoir pour des millions de gens

Tout est parti d’une blessure en finale de la Ligue des champions à Kiev le 26 mai. Mohamed Salah est sorti en larmes après une demi-heure de jeu, victime d’une faute de l’Espagnol Sergio Ramos. Son équipe perd logiquement, mais la planète football, qui retenait son souffle, avait déjà le regard tourné vers la Russie, craignant que le magicien ne puisse être présent au Mondial. Au Caire, ses compatriotes, certains armés de fusils, ont même manifesté devant l’ambassade d’Espagne, pays du « bourreau » du génie égyptien.

Mohamed Salah est plus qu’un footballeur, il est une figure politique et symbolique dans un pays où l’ivresse du « printemps arabe » a cédé la place à l’automne autocratique d’Abdel Fattah Al-Sissi. Il dessine un espoir pour des millions de gens qui vivent sous un régime qui fonctionne par la menace et la violation des droits humains. Fait cocasse et plein de sens : Mohamed Salah, sans être candidat à la présidentielle de mars, aurait « obtenu » plus d’un million de votes à la présidentielle. Soit mieux que les 700 000 voix qui sont allées à Moussa Mostafa Moussa, seul compétiteur du président Al-Sissi.

Dans un entretien au Monde, l’universitaire Suzan Gibril explique le phénomène Mohamed Salah. Selon elle, le footballeur est « une figure qui redonne espoir à toute une génération d’Egyptiens désillusionnés par les conditions parfois difficiles dans lesquelles ils évoluent ».

« Egyptian king » de Liverpool

Longtemps considéré comme un joueur ordinaire, baladé entre clubs européens, de Bâle à Rome en passant par Londres et Florence, Mohamed Salah s’est enfin montré à la hauteur de son talent : Ballon d’or africain 2017 ; meilleur buteur avec 32 réalisations et meilleur joueur de la saison en Angleterre ; finaliste de la Ligue des champions. Cette saison, l’attaquant a porté Liverpool et le public d’Anfield en a fait une légende.

Joueur discret, le virevoltant attaquant égyptien confirme que pour les grands joueurs, la tragédie côtoie souvent la gloire. Le football est beau parce que la défaite n’empêche pas de retenir la gloire des perdants. C’est cette belle tragédie que portent certains échecs qui rend ces héros humains et admirables. Elle brise la caricature des « millionnaires qui courent derrière un ballon ».

Mohamed Salah n’ira pas plus loin que la phase de poules d’un Mondial où il espérait briller de mille feux. Mais la saison prochaine, les chœurs des scousers de Liverpool résonneront de nouveau en l’honneur de leur « Egyptian king ».

Hamidou Anne est un consultant en communication institutionnelle sénégalais qui vit à Dakar. Il est également co-auteur de l’ouvrage collectif Politisez-vous !.