La Pologne recule sur sa loi controversée sur la Shoah
La Pologne recule sur sa loi controversée sur la Shoah
Le Monde.fr avec AFP et Reuters
Le gouvernement conservateur polonais a annoncé que les peines de prison prévues pour quiconque incriminerait l’Etat ou la nation polonaise pour les crimes nazis seraient supprimées, après que le texte a été vivement critiqué.
Vue de la Diète – le Parlement polonais – le 12 novembre 2015. / JANEK SKARZYNSKI / AFP
La Pologne a annoncé mercredi 27 juin qu’elle allait amender sa loi controversée sur la Shoah afin de supprimer la possibilité de peines de prison (jusqu’à trois ans) pour ceux qui attribueraient « la responsabilité ou la coresponsabilité de la nation ou de l’Etat polonais pour les crimes commis par le IIIe Reich allemand », a déclaré au parlement le vice-ministre de la culture, Jaroslaw Selin. L’examen de l’amendement a été ajouté d’urgence au programme des travaux parlementaires de mercredi à la demande du premier ministre, Mateusz Morawiecki.
Les députés ont commencé à débattre de ces modifications mercredi matin et le président de la Diète, la chambre basse du Parlement polonais, a dit qu’elles seraient examinées dans le cadre d’une « procédure d’urgence ».
Censée défendre l’image de la Pologne et des Polonais pendant la seconde guerre mondiale contre de fausses accusations, le texte a suscité de vives critiques, notamment en Israël et aux Etats-Unis. Le gouvernement de l’Etat hébreu et la diaspora juive ont reproché à Varsovie de vouloir nier la participation de certains Polonais au génocide des juifs, voire d’empêcher des rescapés juifs de raconter leur expérience ou la mort de leurs proches. Pour le gouvernement polonais de Droit et Justice (PiS), le principal objectif de la loi était de combattre l’expression « camps de concentration polonais », qu’il juge injuste, car concernant des camps nazis allemands.
Le gouvernement recule face aux vives critiques
« Nous nous sommes heurtés à de l’incompréhension, à des opinions blessantes, nous ne voulons pas que cela pèse sur notre politique », a dit le chef du groupe parlementaire PiS, Ryszard Terlecki. « Ceux qui disent que la Pologne pourrait être responsable des crimes de la deuxième guerre mondiale méritent des peines de prison », a dit le premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, aux députés. « Mais nous agissons dans un contexte international et nous le prenons en compte », a-t-il ajouté, en leur demandant de supprimer cette disposition.
Cette décision inattendue a été prise alors que la Pologne cherche à renforcer ses liens avec Washington sur le plan sécuritaire tandis qu’elle est l’objet d’une attention particulière de la part de l’Union européenne en raison de son projet de réforme de la justice, qui suscite des inquiétudes en termes de séparation des pouvoirs.
La loi telle qu’elle est entrée en vigueur en mars prévoit des peines allant jusqu’à trois ans de prison pour quiconque ferait mention du terme « camps de la mort polonais » ou laisserait entendre « publiquement et en dépit des faits » que la nation ou l’Etat polonais ont été complices des crimes de guerre de l’Allemagne nationale-socialiste. Le gouvernement conservateur entendait ainsi défendre l’image de la Pologne mais il a été accusé, notamment en Israël et aux Etats-Unis, de vouloir réécrire l’histoire.
La Pologne abritait avant la guerre la plus grande communauté juive d’Europe, avec 3,2 millions de personnes. Environ trois millions d’entre eux ont été exterminés par les nazis, soit la moitié des juifs tués durant la Shoah. Des juifs d’une grande partie de l’Europe ont été déportés vers des « camps de la mort » construits par les nazis après leur invasion de la Pologne, en 1939, comme à Auschwitz, Treblinka, Belzec et Sobibor.
Des milliers de Polonais ont risqué leur vie pour protéger des juifs durant la guerre mais des recherches publiées depuis la chute du communisme, en 1989, montrent aussi que des milliers d’autres ont tué ou dénoncé des juifs, remettant ainsi en cause le récit national d’une Pologne seulement victime des nazis.