« Ma fille » : un fougueux trio féminin
« Ma fille » : un fougueux trio féminin
Par Clarisse Fabre
Le deuxième long-métrage de Laura Bispuri, avec Alba Rohrwacher et Valeria Golino, est un western sur la maternité.
Jamais la blondeur et la flamme de l’Italienne Alba Rohrwacher ne se sont si bien accordées avec un paysage, au cinéma. Celui de la Sardaigne, rocailleux et brûlant comme Angelica, l’un des trois personnages du film de Laura Bispuri. Femme vivant dans la marge, sur le point de perdre sa maison, son unique bien, Angelica devrait quitter sa terre. Mais c’est à ce moment précis qu’elle prend conscience de son attachement à Vittoria, sage fillette d’une dizaine d’années (Sara Casu). Cette dernière a été élevée par Tina (Valeria Golino), remplie d’amour et d’attention. Mais la préadolescente éprouve le besoin de s’éloigner.
Au-delà du court suspense qu’elle installe sur l’identité de la mère biologique, la réalisatrice s’emploie à dissoudre la famille et ses normes dans un nuage de poussière. Le trio de femmes sans jules (et Jim) se déplace, géographiquement et mentalement, sur ce coin isolé de Sardaigne quidevient « terrain de jeu » au sens cinématographique du terme.
Rite initiatique
Le deuxième long-métrage de Laura Bispuri, sélectionné en compétition officielle à Berlin, tout comme son premier, Vierge sous serment (2015) – avec la même Alba Rohrwacher, méconnaissable en homme –, n’a que l’esthétique du western : sous l’écrasante chaleur et le poids des traditions masculines (les femmes, c’est comme le rodéo ou presque), il n’y a pas de mise à mort, ni vainqueure ni perdante. Les personnages prennent leurs distances, se mesurent, se déchirent et réajustent leurs points de vue pour tenter de se retrouver.
Dans cette rencontre avec Angelica, la fillette traverse comme un rite initiatique qui la fait grandir sous nos yeux. Et l’on est au bord du trou avec Valeria Golino, lorsque celle-ci cherche l’enfant, quittant sa maison où sa vie semblait si bien réglée. Génie de la métamorphose, Alba Rohrwacher apparaît sous un jour qu’on ne lui connaissait pas : celui d’une icône underground. D’une beauté sauvage, un rien l’habille et la fait tomber, toute déglinguée qu’elle est. Mais il suffit qu’elle déploie ses bras infinis, en haut d’une falaise, pour que l’on comprenne le sel de sa vie, entre mise en danger et liberté. C’est elle, la prétendue paumée, qui va redonner de l’air au sein de ce fougueux trio.
MA FILLE (FIGLIA MIA) - Bande Annonce
Film italien, suisse et allemand de Laura Bispuri. Avec Alba Rohrwacher, Valeria Golino et Sara Casu (1 h 27). Sur le Web : www.ufo-distribution.com/movie/ma-fille-figlia-mia et www.realfictionfilme.de/filme/figlia-mia/index.php?id=124