Comment améliorer le quotidien des étudiants en situation de handicap ? Après avoir planché en 2017 sur cette question dans l’enseignement scolaire, la médiatrice de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur s’est penchée sur les études supérieures.

Dans un rapport publié mercredi 27 juin, la nouvelle médiatrice, Catherine Becchetti-Bizot, explique son choix par la progression de la population étudiante handicapée, de 13,5 % par an depuis 2006. Du fait de l’inclusion grandissante des enfants en situation de handicap dans l’enseignement scolaire (ils étaient près de 400 000 en 2016-2017), elle projette une poursuite de cette hausse.

Ses conclusions sont claires : les étudiants handicapés, encore plus que les étudiants valides, se heurtent de plein fouet à la rupture entre le monde scolaire et celui de l’enseignement supérieur. L’accompagnement dont a bénéficié l’élève en situation de handicap au cours de sa scolarité (aide d’une auxiliaire de vie scolaire…) disparaît, au moment où le système prévoit en outre une plus grande autonomie dans l’organisation des cours et du travail personnel.

Faire une « révolution culturelle »

Le suivi et l’autonomie demandée dépendent des formations, l’université restant le cadre le plus « lâche ». Depuis 2005, des services d’accueil des étudiants handicapés (SAEH) existent dans toutes les universités, mais des disparités de prise en charge et de moyens alloués ont été constatées. Dans certaines universités, le SAEH est composé de dix employés à temps plein, dans d’autres, ils ne sont que deux à temps partiel.

Les difficultés « physiques » (accessibilité des locaux et matériel ad hoc) sont finalement celles qui posent le moins problème, commente Catherine Becchetti-Bizot, pour qui « l’inclusion n’est pas seulement une question de moyens matériels ». « Le problème de la France est un problème de regard et de culture », ajoute-t-elle. Difficile à mesurer, le regard sur le handicap pèse dans les parcours : « Il est plus difficile pour des étudiants de se déclarer handicapés en France qu’ailleurs. Ils ont peur que les formations hésitent à les prendre. »

« C’est l’accessibilité pédagogique qui pose problème », ajoute la médiatrice. Soit le fait de transformer les modalités d’évaluation pour permettre à tous les étudiants de démontrer leurs compétences en compensant les handicaps. Un exemple est signifiant, celui de la validation des cours d’anglais en BTS ou dans les écoles pour les élèves qui ont des troubles du langage oral ou écrit.

« Souvent, les étudiants se retrouvent dans des formations où l’anglais est obligatoire alors qu’ils en ont été dispensés dans le secondaire », commente Mme Becchetti-Bizot. « Arrivés en BTS, on ne les dispense plus. » Ainsi, le rapport préconise d’imaginer d’autres solutions que la dispense, pour permettre aux élèves en situation de handicap de développer malgré tout des compétences en anglais. « En réalité, on parle là d’une vraie révolution culturelle, conclut la médiatrice. On touche à la capacité qu’aura le système à personnaliser son offre de formation. »

Démarches vertueuses

La médiation est très souvent saisie pour des questions d’aménagements d’examens. En 2015, 81 % des étudiants en situation de handicap ont bénéficié d’aménagements pour les examens en universités. Mais le rapport souligne la lourdeur des démarches, en particulier pour les formations en BTS et en classes préparatoires aux grandes écoles : faire reconnaître la nécessité d’un tiers-temps nécessite de constituer un dossier médical auprès d’un médecin agréé. Souvent débordés, les médecins scolaires renvoient parfois au médecin traitant, dans des délais longs. Et la médiatrice de citer plusieurs cas d’étudiants qui n’ont pas obtenu leurs aménagements à temps, ou bien se sont vu accorder un aménagement qui ne correspondait pas à leur pathologie. Par exemple, une étudiante, opérée plusieurs fois de la main en l’espace de deux ans, demande un ordinateur et un tiers-temps pour valider son BTS, et se voit accorder le droit de marcher pendant l’épreuve et de faire des pauses…

Mais quelques démarches vertueuses doivent être soulignées. Si aucune université ou grande école n’est citée dans le rapport, la médiatrice a accepté de donner au Monde l’exemple de l’université Paris-IV, où il a été constaté que les étudiants en situation de handicap finissaient les épreuves tard le soir. Il a donc été proposé d’en organiser de plus courtes pour eux. Les enseignants-chercheurs ont accepté.