Des migrants accueillis dans un complexe sportif municipal de Barbate, dans le sud de l’Espagne, après avoir été secourus par le service de sauvetage maritime espagnol dans le détroit de Gibraltar, le 27 juin 2018. / Emilio Morenatti / AP

En accueillant l’Aquarius, le tout nouveau premier ministre espagnol, le socialiste Pedro Sanchez, a voulu rappeler les valeurs de solidarité de l’Union européenne. Un message consensuel en Espagne, où l’extrême droite et les discours xénophobes sont insignifiants et marginaux. Le pays n’en reste pas moins en première ligne sur les questions migratoires, même si les arrivées par la « route occidentale » de la Méditerranée restent modestes en comparaison des records enregistrés en 2015 en Grèce et en 2017 en Italie.

Près de 22 000 migrants ont franchi le détroit de Gibraltar, la mer d’Alboran ou les grillages installés à Ceuta et à Melilla pour passer du Maroc en Espagne en 2017, soit trois fois plus qu’en 2016 (8 200 migrants). Cette tendance à la hausse s’est maintenue entre le 1er janvier et le 20 juin, avec plus de 12 000 entrées illégales sur les côtes espagnoles, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), soit une hausse de près de 60 % par rapport à 2017. Et plus de trois cents personnes sont mortes durant la traversée à bord d’embarcations de fortune.

Alors que les arrivées de migrants ont très considérablement baissé ces dernières années dans l’ensemble de l’Europe, l’Espagne fait figure d’exception : ses installations d’hébergement sont saturées, ses capacités d’accueil débordées. Ces chiffres, même en forte hausse, demeurent cependant sans commune mesure avec le boom connu en Italie ou en Grèce au plus fort de la crise migratoire. Après des années d’accalmie, ils se rapprochent davantage des records de l’année 2006, quand 39 000 personnes avaient débarqué sur les côtes espagnoles, dont 31 000 aux îles Canaries.

Surveillance, dissuasion et aide au développement

A l’époque, endiguer les flux migratoires en provenance de l’Afrique avait été une des principales tâches que s’était fixé le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero (2004-2011), après l’« appel d’air » suscité par l’annonce en 2005 de la régularisation de près de 400 000 sans-papiers. Pour cela, il avait déployé son action sur trois fronts : la surveillance, la dissuasion et l’aide au développement.

Dans ce cadre, le gouvernement avait développé des programmes de coopération en Afrique visant à générer des activités économiques sur place, agricoles essentiellement. Parallèlement, en 2007, le royaume a participé à la création du réseau européen de patrouilles maritimes dans le cadre de l’agence européenne de contrôle des frontières, Frontex.

Les ministères des affaires étrangères et de l’intérieur ont également travaillé en commun et multiplié les voyages en Afrique afin d’intensifier la collaboration avec le Maroc ou la Mauritanie, et signer, entre 2006 et 2008, des accords de réadmission avec de nombreux pays d’Afrique, comme le Sénégal, la Gambie, la Guinée, le Nigeria, le Ghana ou le Mali. Objectif : faire passer le message que le voyage était non seulement dangereux mais aussi stérile.

Près de 40 % des migrants en centre de rétention, les centres d’internement des étrangers (CIE) – dans lesquels ils sont détenus durant un maximum de soixante jours –, sont ainsi expulsés grâce aux accords de « rapatriement » avec des pays d’Afrique. Et l’an dernier, moins de cinq cents migrants sont arrivés aux Canaries.

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