Sept choses à voir sur le nouveau président mexicain, Andrés Manuel López Obrador
Sept choses à voir sur le nouveau président mexicain, Andrés Manuel López Obrador
Arrivé largement en tête du scrutin présidentiel, le candidat du parti de gauche, loin d’être un nouveau venu de la politique, a promis « des changements profonds », « sans dictature ».
Andrés Manuel López Obrador,le 3 juin, à Mexico. / Anthony Vazquez / AP
Jusque tard dans la nuit, le Mexique a célébré la victoire, dimanche 1er juillet, d’Andrés Manuel López Obrador. Arrivé largement en tête du scrutin présidentiel, le candidat du parti de gauche a promis « des changements profonds » et « sans dictature ». Voici sept choses à savoir sur le nouvel homme fort du pays, loin d’être un nouveau venu de la politique mexicaine.
- Un mordu de baseball
Celui que le Mexique surnomme par ses initiales, « AMLO », est né en 1953 à Tepetitan, petite bourgade rurale de 1 400 habitants sise dans l’Etat de Tabasco, au sud du pays. Second d’une fratrie de sept enfants, il grandit dans une famille de la classe moyenne provinciale. Son père et sa mère sont tous deux commerçants.
Passionné de baseball – il joue champ centre dans l’équipe locale, et soutient depuis toujours les Cardinals de Saint-Louis –, il envisage un temps une carrière professionnelle. Son enfance est marquée par un drame : la mort de son grand frère, tué alors qu’il jouait avec une arme à feu.
- « El Peje », la politique et les Indiens
En 1973, Andrés Manuel López Obrador entre à l’université, d’où il sort diplômé en sciences politiques en 1976. Ce n’est que plus tard qu’il complétera son bagage académique d’un doctorat.
A 23 ans, le jeune homme rejoint les rangs du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), l’hégémonique parti au pouvoir, initialement proche d’une pensée de gauche, qui a progressivement glissé vers le centre droit. Nommé à l’Institut des peuples indigènes de l’Etat de Tabasco, Andrés Manuel López Obrador – surnommé « El Peje » en référence au pejelagarto, un énorme poisson local –, se fait remarquer pour ses programmes sociaux pour les Indiens.
- Une fibre écologique et antisystème
Sa première déception politique arrive en 1983, où il démissionne de son poste de responsable régional du PRI. A l’époque, son ambition et son souhait de rendre un peu plus transparents les rouages du parti font grincer des dents.
AMLO prend alors la tête de l’Institut national des consommateurs, puis gagne une notoriété nationale en organisant des manifestations d’ampleur contre le pétrolier national Mexican Petroleum Company (Pemex), accusé de nombreux dommages environnementaux.
Il publie également plusieurs livres, dont un revenant sur les fraudes massives durant la campagne pour les élections locales dans le Tabasco, en 1988. Le 25 novembre 1991, il lance une marche baptisée « L’Exode pour la démocratie », qui part de la capitale du Tabasco pour atteindre Mexico, le 11 janvier 1992. Il la mènera durant les deux mois.
- Fer de lance de la politique anticorruption
Après avoir rejoint le Parti de la révolution démocratique (PRD), fondé en 1989 par des frondeurs de gauche du PRI, Andrés Manuel López Obrador monte les échelons. En juillet 2000, il est élu maire de Mexico, où il impose un programme sécuritaire pour faire baisser la criminalité – il demande même pour cela l’aide du maire de New York, Rudy Giuliani. Il devient alors le fer de lance d’une politique anticorruption, qu’il rebaptise « guerre contre la mafia du pouvoir ».
Il instaure aussi le programme « Pour le bien de tous, les pauvres d’abord », qui prévoit un soutien financier aux mères célibataires, une revalorisation des petites retraites, des programmes éducatifs, ou encore le redéveloppement des infrastructures de transport de la mégapole.
Sa popularité est forte, mais des scandales de corruption touchent certains de ses collaborateurs. En 2004, Andrés Manuel López Obrador est lui-même sous le coup d’une procédure d’impeachment (mise en accusation), mais accuse le gouvernement de vouloir l’empêcher de candidater à l’élection présidentielle. Un million de ses soutiens marchent dans les rues de Mexico en 2005, et la procédure est finalement abandonnée.
- Deux échecs électoraux d’ampleur
Désigné candidat à la présidentielle par le PRD en 2006, AMLO quitte la mairie de Mexico. Face à lui, Felipe Calderon mène une intense campagne, notamment médiatique. Donné perdant dans tous les sondages, Felipe Calderon finit par l’emporter de 0,56 point, provoquant des manifestations monstres durant plusieurs semaines pour un recomptage des voix, sur fond de soupçons de fraudes. Le scrutin est pourtant validé.
Loin de signer le glas de sa carrière politique – la chanson El Necio (le têtu), du compositeur cubain Silvio Rodriguez, précède toutes ses entrées sur scène – M. Obrador poursuit sans relâche sa campagne, se concentrant notamment sur les régions oubliées par le gouvernement central. Mais en 2012, il subit un nouveau revers, ne rassemblant, cette fois, que 31,64 % des voix face à Enrique Peña Nieto, du PRI.
- Une image de protestataire à lisser
Le 9 septembre 2012, AMLO prend un nouveau départ en quittant le PRD, et en fondant, quelques semaines plus tard, le Mouvement de régénération nationale (Morena), devenu un parti en 2014. Il entend apaiser son image de protestataire, et s’entoure de trois de ses fils pour faire campagne.
Rejoint par certaines forces de gauche, le candidat s’oppose à l’accord de libre-échange nord-américain – et traite Donald Trump de « brute irresponsable ». Surtout, il fait de la corruption « le plus grand fléau du Mexique » ; il appelle ainsi ses concitoyens à adopter un mode de vie plus honnête, et promet pour sa part un « gouvernement austère ».
En récupérant ainsi « l’argent des corrompus », qu’il évalue à 21 milliards d’euros par an, AMLO entend financer son ambitieux programme de lutte contre la pauvreté : grands travaux, santé et éducation gratuites, bourses scolaires, aides aux paysans, hausse du salaire minimum (3,70 euros par jour en 2017), réduction de la rémunération des hauts fonctionnaires, dont la sienne…
- La fin d’une hégémonie
Crédité de 40 % dans les sondages, AMLO remporte l’élection avec environ 53 % des suffrages et met ainsi un terme à la toute-puissance du parti de centre droit, le PRI (créé en 1929), au pouvoir depuis soixante-dix-sept ans.
Andrés Manuel López Obrador a déjà annoncé qu’une fois élu il restera vivre dans son appartement, à Mexico, souhaitant transformer la résidence présidentielle, symbole des dérives politiques, en musée et en salle de concerts publics.