Andy Costa, 40 ans, est toujours en tenue d’apparat : jean, baskets et casque à vélo.

C’est un ambassadeur sans tutelle ni territoire. Un diplomate « auto-affecté », dans son propre pays, la Côte d’Ivoire. Sa mission ? « Veiller à l’image et aux intérêts du vélo », déclare « Son Excellence » Andy Costa. Un titre auquel il tient et qu’il a, le plus sérieusement du monde, fait inscrire sur sa carte de visite.

Voilà huit ans qu’il est en poste et qu’il plaide inlassablement la cause du deux-roues. Au dernier Sommet Union Africaine-Union Européenne, dans la délégation ivoirienne pour la récente COP 23 de Bonn (Allemagne), lors des galas de prestigieuses fondations, d’événements en tout genre qui rythment la vie de la capitale économique ivoirienne, à la télévision, sur les réseaux sociaux : Andy Costa, 40 ans, est partout. Et toujours en tenue d’apparat : jean, baskets et casque de vélo.

« Le vélo est assez mal vu en Côte d’Ivoire, réduit au statut de bon cadeau de noël pour les enfants et déconsidéré en tant que moyen de déplacement ou de loisir. Or ses avantages pour un pays comme le nôtre sont multiples. En termes de mobilité d’abord, car aujourd’hui, nombre d’Ivoiriens se déplacent encore à pied, ce qui réduit considérablement leur employabilité, avance Andy Costa. Le vélo, lorsque les conditions de sécurité seront réunies en milieu urbain, sera l’une des solutions à ce problème. »

Installer les vélos dans un pays où la voiture est sacralisée, dans une ville, Abidjan, où les motos et scooters sont rares, contrairement à la plupart de ses homologues ouest-africaines telles que Cotonou, Bamako ou encore Ouagadougou, s’annonce compliqué. « Il y a tout un travail de [changement d’image] à faire pour que le vélo entre dans les mœurs et la culture ivoiriennes. »

La bicyclette sous toutes ses formes

Pour s’y atteler, Andy Costa a créé en 2010 une ONG, My dream for Africa (mon rêve pour l’Afrique), puis un peu plus tard une société du même nom, toutes deux à l’origine de plusieurs projets visant à promouvoir le vélo. Parmi ceux-ci, le programme court « Tous au transport vert », diffusé régulièrement depuis un an par la Radiodiffusion-télévision ivoirienne (RTI) et qui a déjà réussi à faire pédaler face caméra une vingtaine de personnalités dont le footballeur Didier Drogba, l’ancien ambassadeur de France en Côte d’Ivoire, George Serre ou encore Babacar Cissé, patron du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) à Abidjan.

Organisation du salon annuel du vélo d’Abidjan, de conférences « vertes », de séances de vélo collectives avec des entreprises, d’opérations de nettoyage des plages… My dream for Africa décline la bicyclette sous toutes ses formes.

Autre projet phare : l’équipement prochain en pistes cyclables et en vélos (500 au démarrage) en libre-service de l’Université de Cocody, la plus grande du pays, avec près de 60 000 étudiants, en partenariat avec le PNUD et l’entreprise française Smoove. « Le but, c’est de dupliquer ce dispositif dans l’ensemble des universités ivoiriennes, puis africaines, pour que les étudiants se familiarisent avec le vélo. Ce sont eux les futurs leaders, eux qui décideront de la nécessité de penser et de réaménager nos villes, pour qu’elles accordent plus de place aux transports propres et à l’écologie », dit Andy Costa, qui se déplace lui-même à vélo « dès qu’[il] peut », même si cela n’est pas toujours faisable dans une ville comme Abidjan.

« J’entends souvent que l’écologie n’est pas une priorité en Afrique et cela m’étonne toujours. En Côte d’Ivoire, nous subissons déjà les effets du changement climatique. Les pénuries récentes d’eau à Bouaké, la montée des eaux qui menace des villes du littoral comme Grand-Lahou, la pollution liée aux voitures et ses conséquences sanitaires à Abidjan… Tous ces phénomènes prouvent qu’il y a véritablement urgence et qu’une prise de conscience collective est nécessaire ! », ajoute l’entrepreneur.

Andy Costa l’avoue, il a parfois l’impression de prêcher dans le désert. Peu sont d’ailleurs ceux qui, au départ, avaient cru en son projet. Moins nombreux encore, ceux qui croyaient qu’il en ferait un jour un métier. Lui, l’enfant de Treichville, une commune populaire d’Abidjan, passionné de photographie, qui après avoir passé plusieurs années dans le département marketing d’une marque de boisson a décidé de se lancer dans l’entrepreneuriat, pour « une histoire de vélo » – comme l’on aimait souvent à caricaturer son projet – en a déconcerté plus d’un.

Son histoire d’amour avec la petite reine, l’ambassadeur ne sait pas exactement de quand elle date… Et à vrai dire, cela importe peu dans le récit du personnage qu’il a réussi à créer.