Entamées à la fin du printemps 2017, les négociations du Brexit entre l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni sont plus que jamais dans l’impasse, butant sur l’inextricable question irlandaise, malgré les très nombreuses ­concessions britanniques.

« Dans les deux ans, nous pouvons négocier une zone de libre-échange considérablement plus vaste que l’UE », promettait David Davis, nommé ministre du Brexit trois semaines après la victoire du non à l’Europe au référendum du 23 juin 2016. A la même époque, Liam Fox, autre partisan d’un Brexit dur propulsé au ministère du commerce extérieur, assurait qu’un accord avec l’UE serait « l’un des plus faciles à conclure de toute l’histoire de l’humanité ». Depuis, le premier a démissionné, et le deuxième se garde bien de claironner de pareilles affirmations.

Car deux ans plus tard, la « considérable » zone de libre-échange n’est même pas dans les limbes, l’UE ayant interdit aux Britanniques de commencer à négocier avec des pays tiers tant qu’ils seront membres de l’UE, c’est-à-dire pas avant le jour J du Brexit, le 30 mars 2019. Par ailleurs, la politique protectionniste de Donald Trump met à mal cette promesse centrale des anti-européens.

Le« facile » accord commercial avec l’UE n’a commencé à être discuté qu’en mars 2018, et encore, de manière très informelle, Bruxelles ayant d’abord à cœur de conclure un traité de divorce. Seules les grandes lignes de la « relation future » avec l’UE devraient en être adoptées d’ici au 29 mars 2019.

Quant aux lignes rouges posées à l’origine par la première ministre Theresa May – sortie du marché unique européen, rejet de la compétence de la Cour de justice de l’UE et de la libre circulation des personnes –, elles ont vacillé, voire complètement volé en éclats.

Reculade

Le gouvernement britannique n’avait pas anticipé la réaction des Européens, qui, privilégiant la pérennité de l’UE à la préservation de leurs intérêts économiques immédiats, sont restés remarquablement unis, et n’ont jusqu’à présent pas cédé d’un pouce sur l’intégrité de leur marché unique. Pas question que les Britanniques y aient encore accès une fois le Brexit prononcé, s’ils n’en respectent pas les quatre libertés de circulation – des biens, des capitaux, des services et des personnes.

Les Vingt-Sept, qui pouvaient « toujours courir » pour que Londres rembourse sa dette, comme l’avait affirmé le ministre des affaires étrangères, Boris Johnson, à l’été 2017, ont obtenu du Royaume-Uni qu’il solde ses engagements (entre 40 et 45 milliards d’euros) une fois le Brexit acté. Sous la pression des milieux économiques, Londres s’est aussi résolue à quémander une période de transition, afin de boucler les termes de la « relation future » entre le jour du Brexit et le 31 décembre 2020.

Theresa May avait promis que la libre circulation des ressor­tissants européens cesserait à compter du Brexit. Mais là encore, elle a dû accepter que ceux qui sont arrivés au Royaume-Uni avant la fin de la période de transition (31 décembre 2020) bénéficient d’un droit au séjour de principe et de formalités simplifiées.

Même reculade concernant les juridictions de l’UE. Leurs décisions ne devaient plus s’appliquer au Royaume-Uni, avait déclaré Mme May, conformément au slogan « Reprenons le contrôle » des partisans du Brexit. En réalité, ces décisions continueront à s’appliquer pendant la période de transition et leur jurisprudence probablement après.

Enfin, et c’est le dernier gros point bloquant de la négociation du divorce : Theresa May avait promis une sortie de l’union douanière pour reprendre le contrôle de la politique commerciale britannique. Mais cette énième promesse a aussi du plomb dans l’aile, car elle conduirait à rétablir des postes-frontières entre les deux Irlandes, ce qui menacerait la paix civile et étranglerait économiquement la République d’Irlande. Or, Bruxelles a conditionné la conclusion du divorce à l’impossibilité du retour d’une « frontière dure. »

Pour contourner ce nouvel obstacle, Mme May a d’abord proposé de maintenir l’ensemble du Royaume-Uni dans l’union douanière jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée pour la frontière irlandaise. L’UE a refusé : Bruxelles accepte de n’inclure que l’Irlande du Nord dans l’union douanière. Impensable pour les unionistes extrémistes, dont Mme May a besoin pour conserver sa courte majorité à Westminster.

La première ministre, avec son Livre blanc, propose désormais un « arrangement douanier » complexe, consistant à collecter les taxes à la fois pour l’UE et le Royaume-Uni, sans « frictions » aux futures frontières extérieures de l’Union. Illusoire, estime-t-on à Bruxelles.