« Je sens un silence pesant. » Parole de député La République en marche jeudi 19 juillet au matin, au lendemain des révélations du Monde dans l’affaire Alexandre Benalla, ce chargé de mission à l’Elysée, équipé d’un casque de police et filmé en train de frapper un manifestant à terre lors de la manifestation du 1er mai. En cette journée de crise politique comme jamais le pouvoir n’en a connue depuis le début du quinquennat, les élus de la majorité se partagent en trois groupes à l’Assemblée nationale : ceux qui acceptent de parler, ceux qui parlent sous couvert d’anonymat et ceux qui préfèrent se taire.

Les têtes d’affiche de la majorité sont de la dernière catégorie. Vers midi, Gabriel Attal, porte-parole du parti, passe dans une galerie non-accessible aux journalistes, jette un œil vers la salle des Quatre-Colonnes où les interviews sont autorisées. Le jeune député des Hauts-de-Seine, qui fait partie du premier cercle des élus autour du chef de l’Etat, jette un œil, répond d’un large sourire à ceux qui l’interpellent et fait « non non » du doigt. Il ne s’exprimera pas.

Malaise profond

A La République en marche (LRM), mot d’ordre a été donné de ne pas répondre aux sollicitations médiatiques sur l’affaire Benalla. « Je n’ai pas de commentaires à faire, l’Elysée a déjà réagi », a déclaré en début d’après-midi Aurore Bergé, porte-parole du groupe LRM à l’Assemblée, fendant un groupe de journalistes. Richard Ferrand, le président du groupe, s’est exprimé dans la matinée sur LCI, jugeant le comportement « manifestement inapproprié » de M. Benalla. « Laissez les choses être mises au clair et les autorités prendront leur décision », a ajouté le député du Finistère, estimant que « c’est un problème qu’il revient à l’Elysée de régler ».

Au-delà des éléments de langage et des discours de communication officiel, le malaise est en réalité très profond dans la majorité. « On est abasourdi », glisse une élue francilienne. « C’est une cata, le genre de couacs dont on se serait passé », confie une autre députée. « On préfère toujours se passer de ce genre d’histoires… », grimace un cadre de la majorité. Peu acceptent de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, en des mots parfois crus : « ça prend combien de temps de mettre un poing dans la gueule ? Une seconde et demi ? Pour le virer c’est pareil », lâche l’un d’eux, lapidaire, en référence au geste d’Alexandre Benalla le 1er mai.

Dans des mots plus polis, Laurent Saint-Martin a été le premier à dénoncer publiquement les faits. « Après un tel comportement, à mon avis, on ne peut plus travailler auprès du président de la République », a déclaré le député du Val-de-Marne sur Cnews dès jeudi matin. « Il n’a pas sa place à l’Elysée par définition », abonde son collègue Florent Boudié estimant qu’« une décision définitive doit rapidement être prise, une solution intermédiaire n’est pas satisfaisante ». Pas question pour ces députés de se contenter de la simple mise à pied de deux semaines de M. Benalla, décidée par l’Elysée du 4 au 19 mai. « Cette personne ne peut pas avoir de relations de travail au plus haut niveau de l’Etat. On est censés incarner l’exemplarité. Cela doit provoquer une réaction sans ambiguïté », estime Joachim Son-Forget, député des Français de l’étranger.

Signe de la tension générale, la confusion a même régné durant la journée parmi le groupe LRM, plusieurs élus pensant que M. Benalla avait déjà été démis de ses fonctions à l’Elysée, en le confondant avec Vincent Crase, ce gendarme réserviste lui aussi visible à ses côtés sur la vidéo du 1er mai. Jeudi matin, le porte-parole de l’Elysée, Bruno Roger-Petit, avait déclaré que M. Crase avait été par le passé « très ponctuellement mobilisé » par le commandement militaire de la présidence de la République, mais qu’il avait été mis fin à ses fonctions après les incidents de la place Contrescarpe.

« Que le Parlement soit le dernier informé est quand même paradoxal », explique face caméras le député de la Manche Alain Tourret. « Le ministre de l’intérieur serait le bienvenu de venir s’expliquer sur les faits qui sont énoncés dans la presse », poursuit-il. Une demande formulée également par l’opposition jeudi après-midi au cours d’une séance chaotique dans l’Hémicycle, énième rebondissement d’une journée au cours de laquelle la majorité n’a jamais paru aussi fébrile.

Affaire Benalla : la vidéo qui montre un collaborateur de Macron frappant un manifestant
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