Des affiches du film « Asura », dans un couloir du métro de Pékin, le 17 juillet. / GREG BAKER / AFP

L’argent ne fait pas toujours le bonheur des producteurs de cinéma. Bien qu’elle ait disposé du budget le plus ambitieux de l’histoire du cinéma chinois, l’épopée fantastique Asura, qui espérait toucher le public au-delà des frontières du pays, a été retirée des salles trois jours après sa sortie. Un camouflet pour ses producteurs, Zhenjian Film Studio, Ningxia Film Group et Alibaba Pictures, qui avaient investi 750 millions de yuans (95 millions d’euros) pour en faire un blockbuster. Face au manque d’enthousiasme des spectateurs, et après avoir rapporté seulement 7,1 millions de yuans, la production a décidé de le déprogrammer le 15 juillet, pour tenter un nouveau montage avant une hypothétique seconde sortie.

Asura, dont la production a commencé il y a six ans, s’inspire de la mythologie bouddhiste tibétaine. Le royaume d’Asura (« la dimension du pur désir ») est menacé par le royaume inférieur d’un demi-dieu facétieux. Un jeune berger est l’élu censé le sauver. Le décor des scènes, tournées en grande partie au Qinghai, sur le plateau tibétain, est impressionnant.

Le casting, ambitieux, s’appuie sur des vedettes telles que Tony Leung (In the Mood for Love) et Carina Lau, qui jouent aux côtés du héros, Lei Wu, 18 ans. Le film s’était aussi offert les services de vétérans de Hollywood pour les effets spéciaux, le son ou les costumes, avec Ngila Dickson, la costumière oscarisée pour le Seigneur des anneaux : le retour du roi, en 2004.

Difficultés à sortir des grandes productions de qualité

Cependant, les talents importés n’ont pas suffi. Sur la plate-forme d’achat de billets Maoyan, le film a reçu un piètre 4,9 sur 10, soit la note la moins bonne parmi les films à l’affiche à ce moment-là. Il enregistrait pourtant 8,4 sur 10 sur Tao Piao Piao, plate-forme détenue par… Alibaba, coproducteur du film, alors que Maoyan est soutenu par son rival, Tencent. De quoi provoquer l’ire des producteurs du film, qui ont accusé Maoyan d’avoir publié de fausses critiques. Reste que sur Douban, un site de discussion culturelle indépendant, le film obtenait un médiocre 3,1 sur 10.

Au-delà des querelles entre géants du Web, typiques du paysage du divertissement chinois, cet échec illustre aussi les difficultés du cinéma local à sortir des grandes productions de qualité. La sévérité de la censure n’aide pas, les producteurs préférant produire des films patriotiques ou des scénarios lisses, mais « sûrs » sur le plan politique. Le succès de Mourir pour survivre, sur les écrans une semaine avant Asura, montre que l’équation n’est pas insoluble.

Ce drame social retrace l’histoire authentique d’un contrebandier de médicaments contre la leucémie qui enfreint la loi pour sauver des vies en important des génériques d’Inde. En 2004, sa condamnation à plusieurs années de prison avait fait grand bruit en Chine, ce qui avait valu à ce Robin des bois de la santé le soutien des patients. Avec un budget modeste, mais un scénario bien ficelé et une dose de bons sentiments, le film a rapporté 361 millions d’euros en trois semaines. Ce qui en fait l’un des dix plus grands succès du cinéma chinois.