Mike Manley prend la tête de Fiat-Chrysler, John Elkann devient président de Ferrari
Mike Manley prend la tête de Fiat-Chrysler, John Elkann devient président de Ferrari
LE MONDE ECONOMIE
Alors que l’emblématique patron de Fiat, Sergio Marchionne, est au plus mal, le groupe automobile se voit contraint d’accélérer son processus de succession.
Le Britannique Mike Manley, qui succède à Sergio Marchionne à la tête de Fiat-Chrysler, dirigeait jusqu’ici la marque Jeep. / JEWEL SAMAD / AFP
La rumeur s’est répandue à une vitesse folle sur les réseaux sociaux, où se sont multipliés, toute la journée de samedi, les « Forza Sergio ! » sibyllins : l’administrateur délégué du groupe Fiat et président de Ferrari, Sergio Marchionne, est au plus mal. Hospitalisé depuis la fin du mois de juin à Zurich (Suisse) pour une simple opération au dos, l’homme d’affaires semble avoir été victime de complications post-opératoires, son état s’étant aggravé très rapidement ces derniers jours.
En début de soirée tombait un premier communiqué laconique du groupe Fiat annonçant qu’il « [serait] dans l’incapacité de reprendre ses activités professionnelles ». Depuis, plusieurs sources hospitalières décrivent son état de santé comme « irréversible », sans plus de précisions. Sa famille, présente sur les lieux, n’a pas communiqué d’autres informations.
Fiat : Sergio Marchionne à la « une » des journaux italiens
Cette situation force le clan Agnelli, actionnaire historique du groupe, à accélérer un processus de succession engagé depuis plusieurs mois. Agé de 66 ans, Sergio Marchionne devait passer la main courant 2019, après quinze années à la tête du groupe le plus emblématique du capitalisme italien.
Mike Manley, jusqu’ici à la tête de la marque Jeep, dont il a fait la branche la plus florissante de l’empire industriel, prendra le volant de Fiat-Chrysler, tandis que la présidence de Ferrari reviendra à un représentant de la famille Agnelli, John Elkann, héritier du patron charismatique du groupe, Gianni Agnelli. Il sera appuyé par l’actuel dirigeant de Philip Morris, Louis Camilleri, qui doit prendre dans les prochains jours les fonctions d’administrateur délégué.
L’œuvre de M. Marchionne, homme d’affaires italo-canadien considéré comme le principal artisan du spectaculaire redressement du fleuron de l’industrie transalpine, dont il avait pris les rênes en 2004, a été saluée par de nombreux dirigeants politiques, de gauche comme de droite. L’ancien président du Conseil italien Matteo Renzi a évoqué un « géant », qui « a changé l’histoire industrielle du pays », tandis que son prédécesseur, Silvio Berlusconi, l’a élevé au rang de « numéro un des manageurs italiens », et même de « symbole du génie italien ».
Aux antipodes du protectionnisme
Du côté de l’actuel gouvernement, les éloges sont nettement plus mesurés. Par le passé, le vice-président du Conseil et ministre du développement économique, Luigi Di Maio, qui a grandi dans la petite ville de Pomigliano d’Arco, près de Naples, siège du plus important site de Fiat dans le sud du pays, n’avait pas ménagé ses critiques envers le groupe industriel.
Il l’accusait d’avoir délocalisé à outrance sa production malgré des milliards d’euros d’aides publiques. Il a attendu plus de vingt-quatre heures avant de faire part de sa « peine », ajoutant qu’« en des moments si difficiles, l’heure [était] au respect ». L’autre homme fort du cabinet, Matteo Salvini (Ligue), qui avait également critiqué les choix industriels du groupe, s’est montré tout aussi sobre, se bornant à témoigner sa « reconnaissance et son respect ».
Pressé depuis des années de s’engager en politique, Sergio Marchionne incarne des options aux antipodes du protectionnisme prôné par le gouvernement de Giuseppe Conte. En effet, le redressement du groupe, qui était au bord de la faillite lors de son arrivée aux affaires, s’est fait au prix d’une profonde modification de ses structures, affaiblissant le caractère national d’une entreprise au poids symbolique inégalé dans le monde industriel italien.
Etroitement lié au jeune dirigeant de la famille Agnelli, John Elkann, qui l’a plus d’une fois qualifié de « mentor » et s’est épanché, dans une lettre aux employés du groupe, sur sa « douleur » face à un drame « injuste », Sergio Marchionne cède la main à une équipe de hiérarques dont pas un n’est italien : le nouveau dirigeant de Fiat-Chrysler, Mike Manley, est britannique, tandis que le nouvel administrateur délégué de Ferrari, Louis Camilleri, est originaire de Malte. De ce symbole-là aussi, les Italiens s’apprêtent à faire le deuil.