Une étudiante explique le fonctionnement des tests de dépistages du VIH, à Johannesbourg, le 19 mars. / MUJAHID SAFODIEN / AFP

Editorial du « Monde ». Après une longue période de reflux, l’épidémie de sida menace de repartir de plus belle. La 22e conférence internationale sur le sujet, qui s’est ouverte lundi 23 juillet à Amsterdam, est l’occasion d’alerter sur la dérive qui est en cours : si l’on ne change pas la manière de concevoir et de mener la riposte contre le VIH, le monde n’atteindra pas les objectifs fixés par les Nations unies, prévoyant l’éradication de l’épidémie d’ici à 2030. S’agissant d’une infection qui a tué près d’un million de personnes en 2017, on mesure le coût humain que chaque année de retard représenterait.

Si des progrès spectaculaires ont été accomplis, ils n’en demeurent pas moins insuffisants. En 2017, près de 22 millions de personnes avaient accès aux traitements anti-VIH –2,3 millions de plus qu’en 2016 –, soit 59 % de celles qui vivent avec le virus. Mais le nombre de nouvelles infections ne faiblit qu’à peine : 1,8 million de personnes ont encore contracté le virus en 2017. Ce flot continu de nouvelles infections fait s’accroître la population qu’il est indispensable de traiter, puisqu’il est avéré qu’avec un traitement bien conçu et bien suivi le risque de transmission est quasiment nul.

Ces besoins ne cesseront d’augmenter et imposent de relever deux défis : faire mieux et plus vite. Cela implique de lever les freins (éducation, mais aussi discriminations et loi répressives) qui empêchent des pans de la population (jeunes, hommes ayant des relations homosexuelles, usagers de drogue, prostitué.e.s) d’avoir accès à la prévention, aux tests diagnostiques et aux traitements.

Coupes budgétaires

Cela ne se réalisera pas sans repenser la lutte contre le sida afin de l’intégrer dans des plates-formes de services de santé globales, combinant le VIH et d’autres infections, mais aussi la santé reproductive et sexuelle et des maladies non transmissibles. Des approches à géométrie variable, déterminées en fonction de besoins différents selon les territoires. Intégrer la lutte contre le VIH dans un cadre plus large, c’est aussi permettre à tout le système de santé de bénéficier de ce qu’elle a fait émerger : des réponses fondées sur des preuves scientifiques mais pas uniquement médicales, profilées selon les réalités, adaptées aux populations, sous l’aiguillon des patients et de la société civile.

Mais sans argent supplémentaire, le changement de paradigme nécessaire est impossible. Déjà, 20 % des besoins estimés ne sont pas couverts, malgré les 17,5 milliards d’euros disponibles en 2017. Deuxième contributeur à ce fonds, la France a ainsi un rôle politique à jouer pour pousser à accroître les ressources disponibles, notamment de la part des Etats qui restent en retrait ou qui ont choisi de ralentir leurs efforts.

C’est le cas aux Etats-Unis, pourtant premier contributeur historique de la lutte contre le sida. L’administration dirigée par Donald Trump cherche à faire voter des coupes budgétaires. La conférence de reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme pour la période 2020-2022, qui se tiendra en 2019 en France, sera l’occasion d’appeler à se mobiliser, alors que la démographie galopante dans certains pays durement touchés, particulièrement en Afrique, menace de faire exploser le nombre de nouvelles infections. L’éradication de la maladie est à portée de main, à condition d’amplifier les efforts, sans quoi le risque serait à terme de perdre le contrôle de l’épidémie.