Le directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, Patrick Strzoda, le 6 février à Ajaccio. / LUDOVIC MARIN / AFP

Directeur du cabinet d’Emmanuel Macron, Patrick Strzoda se retrouve, à 66 ans, embarqué dans une affaire d’Etat, alors qu’il doit prendre sa retraite à l’automne, à l’issue d’une carrière de préfet qui était synonyme de réussite, jusqu’à présent. Mardi 24 juillet, il sera auditionné par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, à 16 h 30.

Selon nos premières révélations publiées le 18 juillet, c’est M. Strzoda qui avait autorisé M. Benalla à participer comme observateur, au côté des policiers, à la manifestation du 1er mai à Paris.

En ce qui concerne la police, cette présence de M. Benalla avait été autorisée par le chef d’état-major de la direction de l’ordre public et de la circulation, Laurent Simonin, selon les affirmations, lundi 23 juillet, d’Alain Gibelin, directeur de l’ordre public et de la circulation à la préfecture de police de Paris.

C’est aussi M. Strzoda qui, après avoir pris connaissance de la vidéo montrant M. Benalla malmenant et frappant deux manifestants, avait prévenu le président de la République, alors en Australie,. « Si les faits sont avérés, il faut prendre des sanctions », lui aurait répondu M. Macron.

C’est lui encore qui a sanctionné le monsieur sécurité du chef de l’Etat – depuis mis en examen – d’une suspension temporaire du 4 au 19 mai.

Originaire d’Alsace, M. Strzoda passe l’Ecole nationale d’administration (ENA) au milieu des années 1980 et intègre la préfectorale. Durant son parcours de haut fonctionnaire, il effectue quelques pas de côté, devenant secrétaire général du comité d’organisation des Jeux olympiques d’hiver à Albertville en 1992 puis, plusieurs années plus tard, directeur des services du conseil général de Savoie (2005-2007) – une collectivité contrôlée par la droite.

De retour dans son administration d’origine, il ne cesse d’acquérir du galon et enchaîne les postes sensibles. Préfet de Corse de 2011 à 2013, ses interlocuteurs voient en lui un « gros travailleur », « ouvert », qui a vite saisi les « subtilités locales ». « Il aurait pu nous mépriser puisque nous étions à l’époque dans l’opposition, cela n’a pas été le cas », se souvient un élu nationaliste.

A la préfecture de Bretagne (2013-2016), il gère le mouvement des « bonnets rouges » avant d’être enrôlé, en 2016, par Bernard Cazeneuve en qualité de directeur du cabinet, au ministère de l’intérieur, puis à Matignon. Dans les derniers jours du quinquennat de François Hollande, il est nommé préfet d’Ile-de-France – la fonction la plus prestigieuse de son corps – mais M. Macron, sitôt élu, l’embauche à l’Elysée.

« Le fusible choisi par l’exécutif »

La plupart de ses pairs sont intarissables sur sa « droiture » sa « rigueur », sa « totale loyauté » mais certains le jugent dur et dans le dossier de projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, il avait la réputation d’être partisan d’une très grande fermeté. L’affaire Benalla « ne lui ressemble pas », confie un préfet.

Au cours d’une réunion de crise dimanche 22 juillet, M. Macron a demandé à Alexis Kohler, secrétaire général de l’Elysée, de « mener une réorganisation pour éviter qu’un tel dysfonctionnement se reproduise » au sein de la présidence. Cet examen devrait porter sur le cabinet dirigé par M. Strzoda.

Pour certains députés, comme Olivier Faure (PS), les premières auditions menées lundi par la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale laissent penser que le directeur de cabinet de M. Macron pourrait être « le fusible choisi par l’exécutif ». « C’est lui qui va payer pour tous les autres », a estimé le premier secrétaire du Parti socialiste.

Quoi qu’il en soit, Patrick Strzoda doit, selon un décret du président de la République datant du 5 juillet, faire valoir ses droits à la retraite à compter du 6 octobre.

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