A Muy, une galerie dans un parc
A Muy, une galerie dans un parc
Par Roxana Azimi
Acquérir une sculpture de plein air est un investissement qui demande du temps et de la réflexion.
« Pomme » : une sculpture de Claude Lalanne, exposée au Domaine du Muy. / Lett jeanchristophe
L’arrière-pays varois regorge de parcs de sculptures. Et de collectionneurs. Le galeriste parisien Jean-Gabriel Mitterrand et son fils Edward l’ont bien compris en ouvrant, en 2015, le domaine du Muy (Var), un écrin grandeur nature des potentialités de la sculpture d’extérieur et une vitrine de leur savoir-faire en matière d’ingénierie paysagère.
Dix jours durant, Edward Mitterrand a crapahuté sécateur à la main, coupant ronces et broussailles pour tracer le parcours offert aujourd’hui aux visiteurs. Une grosse pomme dorée de Claude Lalanne a pris racine au sommet d’une colline, un champignon géant de Carsten Höller a grandi dans un sous-bois. Une quarantaine de pièces sont désormais installées sur quinze hectares accessibles sur rendez-vous de juillet à septembre.
Une sculpture de plein air ne s’achète pas sur un coup de cœur. Il faut prendre son temps, réfléchir aux questions d’échelle, de masse et de volume. « Il faut se demander ce qui peut résister à côté d’un bel arbre ou ce qui tient dans une clairière », précise Edward Mitterrand. Et d’ajouter : « les gens ne doivent pas avoir l’impression d’avoir un phare qui obstrue leur jardin. » D’autant plus qu’il est difficile de revenir en arrière. « Si l’on se trompe en accrochant un tableau dans un salon, ce n’est pas grave. En extérieur, l’installation et le démontage ont un coût, poursuit Edward Mitterrand. Une fois qu’on a démoli une pelouse et fait couler une dalle, on réfléchit à plusieurs fois avant de l’enlever. »
Compter avec l’entretien
D’autres critères, moins esthétiques, doivent être pris en compte comme la prise au vent et les intempéries. Les pièces ne doivent pas se plier à la première brise ni se pommeler de rouille au moindre crachin. « Le bronze tient mieux le coup en extérieur, détaille Edward Mitterrand. On peut le nettoyer avec une éponge et de l’eau. Le cuivre se noircit vite et il faut cirer et recirer. » Et il faut aussi compter avec l’entretien. « De la même manière qu’on lave une voiture ou qu’on tond une pelouse, il faut tous les ans nettoyer les sculptures. Et savoir qu’il est difficile de les garder exactement dans le même état qu’au premier jour », indique Alexandre Devals, directeur de la Fondation Venet qui compte un beau parc de sculptures près du domaine du Muy.
Les sculptures en extérieur ont enfin un coût, entre 40 000 euros et 300 000 euros. Sans parler des « faux frais ». « Le transport et l’installation peuvent ajouter 10 à 15 % au prix d’une sculpture », observe Jean-Pierre Foubet, directeur général du domaine de Chasse-Spleen dans le Médoc, où trônent huit sculptures monumentales. Mais, ajoute Edward Mitterrand, « les galeries font souvent des efforts pour les œuvres difficiles à installer et parfois elles offrent le transport ».
Malgré tous ces bémols, ces œuvres comblent généralement leurs propriétaires. « Elles offrent davantage de perspectives, confie Jean-Pierre Foubet. Vous pouvez la regarder à cent mètres comme à un mètre. On s’en lasse peut-être moins. »