A l’université Paris 1-Panthéon Sorbonne, en octobre 2013. / Camille Stromboni / Le Monde

La situation des candidats à l’enseignement supérieur demeure relativement figée, à la veille de la trêve estivale, alors que les dernières universités ferment leurs portes. Sur les 812 000 lycéens et étudiants en réorientation inscrits sur la nouvelle plate-forme d’admission Parcoursup, 58 % d’entre eux, soit 593 800 jeunes, ont définitivement validé leur orientation, selon les indicateurs en date du 27 juillet.

Un quart des candidats n’est en revanche pas encore fixé sur sa formation pour la rentrée. 123 800 ont reçu une proposition mais maintenu d’autres vœux en attente et 71 200 n’ont encore obtenu aucune réponse favorable.

Le ministère de l’enseignement supérieur a beau avoir changé sa méthode d’affichage dans le tableau de bord publié quotidiennement sur la plate-forme, les chiffres sont têtus. Parmi ceux qui n’ont reçu aucune proposition, 53 700 apparaissent désormais comme des « inactifs », définis comme des « candidats qui sont contactés par les équipes de Parcoursup pour identifier leurs souhaits pour la rentrée » mais qui n’ont pas répondu à ces sollicitations. Cette nouvelle dénomination a été introduite le 23 juillet sur le tableau de bord de Parcoursup, alors que la colonne des jeunes « sans-places » refusait désespérément de diminuer.

Les chiffres ont en effet toute leur importance. Parcoursup vit sa première année d’existence, à la suite de la réforme menée tambour battant par la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, sur les cendres de l’ancien système Admission post bac (APB). A la même période en 2017, au 21 juillet, 65 431 candidats étaient sans aucune proposition sur APB. La ministre évoquait alors un « énorme gâchis ». Cette fois-ci, le ministère ne cesse d’assurer que la procédure se déroule de manière satisfaisante, arguant que les nouvelles règles de ce processus désormais en continu rendent la comparaison caduque.

Mais une nouvelle catégorie s’ajoute à ces habituels « sans-facs » de l’été : celle des bacheliers qui ont reçu une proposition mais ont choisi de conserver d’autres vœux pour lesquels ils figurent en liste d’attente. Sur Parcoursup, les vœux d’orientation ne sont plus hiérarchisés comme sur APB, où le candidat recevait seulement la réponse favorable pour celui le plus haut de sa liste. Désormais, il reçoit et répond, au fil de l’eau, aux propositions des formations.

Ces 123 800 candidats qui attendent sont-ils totalement insatisfaits du vœu obtenu et attendent-ils une formation qui leur conviendra mieux ? Maintiennent-ils des vœux en attente par simple curiosité de voir s’ils y seront, in fine, acceptés ? Ce comportement inattendu des lycéens – en tout cas dans une telle proportion – participe à gripper la machine.

« Surbooking »

La situation est suffisamment engorgée pour que le ministère ait tenté d’accélérer les choses. Tout d’abord en affichant, depuis le 12 juillet, les taux de remplissage des formations. Beaucoup ont interprété cela comme une manière de décourager les candidats de maintenir leurs vœux en attente. En effet, la plupart des formations apparaissaient remplies à près de 100 %, l’indicateur ne distinguant pas les candidats y ayant validé définitivement un vœu de ceux qui maintenaient en parallèle d’autres vœux.

A la mi-juillet, le ministère est passé à la vitesse supérieure en Ile-de-France, où la situation serait la plus bloquée : il a enjoint les universités franciliennes, par le biais des rectorats puis par courrier, à pratiquer un taux de remplissage supérieur de 10 % dans l’ensemble de leurs licences. Mais d’une manière quelque peu cavalière : il a appliqué ces taux par défaut dans la machine Parcoursup, alors que jusqu’ici, les licences fixaient elles-mêmes cette « surréservation ».

« Habituellement, en septembre, il y a environ 10 % de défections, expliquait le ministère au Figaro, le 25 juillet. Des places que les universités réaffectent par la suite. Cette année, nous avons demandé aux établissements parisiens de faire, dès maintenant, le “surbooking” qu’ils font habituellement à la rentrée. »

Des places créées au fil de l’eau

Une manière bien optimiste de voir les choses, jugent certains dans le monde universitaire. Personne ne sait si les « évaporés » des étés précédents vont faire défection de la même manière. Le risque pour les facs est de devoir accueillir des candidats supplémentaires, si tous ceux qui reçoivent une proposition grâce à ce « surbooking » l’acceptent et se présentent à la rentrée.

« On nous a appliqué ce taux minimum de manière automatique partout, mais ce n’est pas possible dans certaines licences sous tension, comme les Staps ou les sciences de la vie, s’énerve Olivier Oudar, vice-président de l’université Paris-XIII, qui souligne que son établissement a déjà fait un effort maximum en ouvrant plusieurs centaines de places supplémentaires en juillet. Nous ne pouvons pas pousser plus les murs, même avec les moyens supplémentaires promis par le ministère, qui ne sont pour l’instant qu’une promesse. »

Chez certaines organisations étudiantes, en revanche, on voit la mesure d’un bon œil. « Si des formations doivent aller au-delà de leur capacité, cela se verra en septembre, et la ministre a justement annoncé le financement 10 000 places de plus », soutient le président de la Fédération des associations générales étudiantes, Jimmy Losfeld. Ces places sont créées au fil de l’eau, mais des licences aux IUT, les responsables ne manquent pas de faire part de l’impossibilité de recruter les enseignants et trouver les locaux dans un délai aussi court…

« Pas de véritable déblocage avant septembre »

Pour l’instant en tout cas, ce « petit appel d’air des 10 % a vite été résorbé, Parcoursup a repris son rythme très lent », constate Gilles Roussel, à la tête de la Conférence des présidents d’université, lui-même président de l’université Paris-Est Marne-la-Vallée. Au sein de la communauté universitaire, rares sont ceux qui espèrent encore un désengorgement dans les semaines à venir. « Etant donné les très faibles flux de places qui se libèrent chaque jour, nous n’espérons pas de véritable déblocage avant le 6 septembre », confie M. Roussel. A cette date, la procédure principale de Parcoursup va s’achever, ce qui devrait remettre dans la machine la totalité des places maintenues en attente jusque-là.

D’ici là, un constat reste largement partagé, des BTS aux DUT et classes prépas, en passant par les universités. « Nous sommes toujours très en retard sur le remplissage de nos formations et sur les inscriptions de nos futurs étudiants », résume M. Roussel, qui évalue à 60 % la part de oui définitifs reçus dans les licences universitaires, habituellement presque remplies à cette période.

Peu de changements sont attendus du côté des filières sélectives (BTS, prépas…) dans les prochaines semaines : contrairement aux universités, appelées à rester en veille sur Parcoursup tout le mois d’août, ces dernières ferment leurs portes durant environ un mois. Cela va repousser d’autant les potentielles réponses aux candidats qui y postulent en procédure complémentaire. Quant aux commissions rectorales, qui traitent les dossiers des jeunes recalés, elles sont elles aussi nombreuses à fonctionner au ralenti, ou à l’arrêt, durant la trêve estivale.