Des migrants secourus en mer débarquent de l’« Aquarius » à Valence, en Espagne, le 17 juillet. / Kenny Karpov / AP

L’Aquarius a quitté Marseille mercredi 1er août, un peu avant 18 heures, en direction du canal de Sicile. Après un mois d’arrêt, le bateau humanitaire affrété par SOS Méditerranée et Médecins sans frontières repart en mer, malgré l’hostilité déclarée du ministre de l’intérieur italien Matteo Salvini, qui a plusieurs fois assuré que les ports du pays resteraient fermés aux ONG, accusées de favoriser l’immigration clandestine et de faire le jeu des passeurs. Il devrait lui falloir cinq jours environ pour atteindre la zone des secours.

Depuis la décision du gouvernement italien, dimanche 10 juin, de refuser l’entrée de ses ports au navire, qui accueillait à son bord 629 migrants secourus par diverses unités – dont des navires de gardes-côtes italiens – au large des côtes africaines, point de départ d’une tempête diplomatique européenne, l’Aquarius est devenu un symbole en même temps qu’une cible privilégiée pour tous les opposants à l’action des organisations humanitaires.

Forcé de débarquer à Valence, en Espagne, les personnes secourues, après une semaine en mer dans des conditions parfois très difficiles, l’équipage a décidé d’adapter son équipement à cette nouvelle donne, notamment en augmentant son autonomie alimentaire afin de parer à la perspective de longs séjours en mer.

Mais SOS Méditerranée a surtout décidé de se donner les moyens de répondre en temps réel aux critiques dont l’ONG fait l’objet depuis des mois. Le principal instrument de cette riposte médiatique est la mise en place d’un journal de bord en ligne, qui sera actualisé en temps réel. « Nous voulons nous servir de cet outil pour diffuser au public les informations techniques pour comprendre comment nous travaillons, mais aussi pour fournir en temps réel toutes les précisions sur le cadre de notre action et les procédures que nous suivons », explique Sophie Beau, cofondatrice et directrice générale de SOS Méditerranée.

Là, en effet, est le nerf de la guerre, car les organisations non gouvernementales ne sont désormais plus les bienvenues dans le canal de Sicile. Fin juin, la reconnaissance par l’Organisation maritime internationale d’un centre de coordination des secours basé en Libye, censé se substituer au centre de Rome, complique considérablement les choses. L’ONG, qui a toujours dit suivre les consignes des autorités maritimes, risque en effet d’être confrontée à des instructions qu’il lui sera impossible de suivre. « Nous avons prévenu que nous refuserons catégoriquement de ramener les migrants en Libye, ou de les confier à un navire qui les ramènerait en Libye », souligne Sophie Beau.

« Violation du droit »

Le droit de la mer, sur ce point, est catégorique : les personnes secourues doivent être débarquées dans les plus brefs délais dans le port sûr le plus proche. Cela exclut tout retour sur le sol d’un pays en plein chaos politique, où d’innombrables témoignages et rapports internationaux attestent les horreurs subies par les migrants.

Le risque d’être confronté à ce type d’ordre illégal est bien concret : lundi, un avitailleur italien, le Asso-Ventotto, a secouru les 108 occupants d’un canot parti d’Afrique, dans les eaux internationales – selon les données satellites, il se trouvait à 60 milles, soit 110 kilomètres, des côtes africaines –, puis les a reconduits à leur point de départ. « La Libye n’est pas un port sûr et cela peut conduire à une violation du droit international », a alerté le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies, tandis que le député italien de gauche Nicola Fratoianni, actuellement à bord du navire espagnol Open-Arms, parlait de « refoulement collectif ».

L’Italie avait été condamnée en 2012 par la Cour européenne des droits de l’homme, parce qu’un de ses navires militaires avait ramené en Libye, en 2009, des migrants secourus dans les eaux internationales. Mais ce précédent ne semble pas préoccuper outre mesure le gouvernement italien, dont l’homme fort, Matteo Salvini (Ligue, extrême droite), a réaffirmé sur Twitter, mardi, les principes de sa politique : « Ports fermés, cœurs ouverts ».