La Côte d’Ivoire « moins solide et démocratique » qu’on pourrait le penser, selon l’UE
La Côte d’Ivoire « moins solide et démocratique » qu’on pourrait le penser, selon l’UE
Dans un rapport confidentiel, les ambassadeurs de l’Union européenne incitent l’organisation à s’interroger sur son soutien au pays.
Dans une rue d’Abidjan, capitale économique de la Côte d’Ivoire, en juillet 2018. / LUC GNAGO / REUTERS
Dérive autoritaire du pouvoir, corruption, flagrantes inégalités sociales : dans un rapport confidentiel dont l’AFP a eu connaissance, jeudi 2 août, les représentants diplomatiques de l’Union européenne (UE) s’alarment de la situation politique et sociale de la Côte d’Ivoire à l’approche de l’élection présidentielle de 2020.
« La Côte d’Ivoire affiche l’image rassurante d’une stabilité retrouvée, portée par des taux de croissance élevés » – 8 % par an en moyenne depuis 2011 – mais « les indicateurs sociaux stagnent (taux de pauvreté à 46 % en 2015) », écrivent les ambassadeurs de l’UE dans ce rapport commun rédigé début juillet et qui n’était pas destiné à être publié, selon une source de l’organisation.
« La population s’interroge de plus en plus ouvertement sur cette croissance qui ne lui semble pas ou peu bénéfique », et « tolère d’autant moins les largesses financières dont bénéficient les cercles du pouvoir », « une “classe dirigeante” dont l’enrichissement ces dernières années est parfois spectaculaire », selon le rapport.
Celui-ci pointe « les failles politiques importantes de la reconstruction » après la décennie de crise politico-militaire des années 2000, et « les fragilités non résorbées d’un pays peut-être moins solide et démocratique que sa bonne image pourrait le laisser penser ».
« Réélection systématique »
« Face à ces difficultés, les autorités se montrent hermétiques aux critiques internes et externes, et semblent désireuses de ne laisser aucun lieu de pouvoir leur échapper », selon le texte. « La confrontation entre un pouvoir qui restreint progressivement les espaces d’expression, et une contestation sociale grandissante, n’augurerait rien de bon pour l’échéance de 2020 », s’inquiètent les chefs de mission de l’UE.
Sur le plan politique, la création, voulue par le président Alassane Ouattara, d’un « parti unifié » de la majorité, « annoncé [e] comme la solution à l’instabilité passée […] a été dès le début compris [e] par tous comme une manière pour la coalition au pouvoir de s’assurer une réélection systématique, en reléguant les éventuels mouvements d’opposition à la périphérie du jeu politique ».
Les ambassadeurs estiment encore que « la relation de l’Union européenne avec la Côte d’Ivoire est affectée par le manque de dialogue politique », une « situation [qui] n’est pas compatible avec la relation forte entre [Bruxelles et Abidjan], dont témoigne notamment le haut niveau de soutien politique et financier apporté par l’Union européenne ».
« Au vu de ce constat, les chefs de mission de l’UE incitent […] à une réflexion sur le soutien de l’UE à la Côte d’Ivoire », conclut le rapport. L’aide européenne au pays ouest-africain se monte à 273 millions d’euros pour la période 2014-2020, à quoi s’ajoutent des aides bilatérales, notamment de la France et de l’Allemagne.