La loi « transforme les grandes écoles et des universités en prestataires de services »
La loi « transforme les grandes écoles et des universités en prestataires de services »
Propos recueillis par Eric Nunès
Dans un entretien au « Monde », Jacques Fayolle, vice-président de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs, critique la loi sur « la liberté de choisir son avenir professionnel ».
La ministre du travail, Muriel Pénicaud, lors de la définitive puis vote du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel à l’Assemblee nationale, le 1er août. / JULIEN MUGUET POUR LE MONDE
Mercredi 1er août, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi pour la « liberté de choisir son avenir professionnel ». Le texte intègre notamment une importante réforme de l’apprentissage, qui sera désormais conduite par une nouvelle agence nationale, France compétences. Celle-ci sera dirigée à la fois par l’Etat, les partenaires sociaux et les régions. Dans un entretien au Monde, Jacques Fayolle, vice-président de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (Cdefi) et directeur de Télécom Saint-Etienne, réclame que des représentants des établissements d’enseignement supérieur puissent également siéger au conseil d’administration de France compétences et obtenir un rôle actif dans les prises de décisions.
L’assemblée a adopté le projet de loi avenir professionnel qui modifie les règles concernant l’apprentissage. Quels sont les principaux changements pour les grandes écoles ?
Jacques Fayolle : La loi change le circuit de construction des contrats d’apprentissage. Jusqu’à présent, quand une entreprise avait besoin de compétences, elle prenait contact avec un jeune, avec les écoles. Les formations en alternance étaient co-construites, elles intégraient ce qui se fait en entreprise et l’apport pédagogique des écoles. Nous étions dans un schéma de discussion avec les entreprises, ce n’est plus le cas. La loi prévoit que la nouvelle agence nationale chargée de l’apprentissage, France compétences, soit dirigée par l’Etat, les syndicats, les branches professionnelles. Nous ne sommes pas invités.
Quel est le risque selon vous ?
Le fait que nous ne soyons pas au conseil d’administration de France compétences va transformer les grandes écoles et des universités en prestataires de services. Dans les faits, on peut s’attendre à ce que les entreprises nous demandent des formations, à un prix qui sera fixé par le client lui-même ! Le risque est que les coûts pédagogiques ne soient pas pris en compte.
Quelles seront les conséquences pour les étudiants ?
Alors qu’aujourd’hui les établissements d’enseignement supérieur forment chaque année plus de 150 000 jeunes en apprentissage, il est possible que rapidement, il y ait de moins en moins de contrats et moins de formations proposées.
Autre conséquence regrettable : pour assurer un suivi pédagogique à bas coût, il sera forcément moins individualisé. Du sur-mesure, on va passer à de la formation en batterie.
Pourquoi n’avez-vous pas été entendu ?
L’enseignement supérieur n’est pas le cœur de cette réforme. Toutefois, la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs, la Conférence des grandes écoles et la Conférence des présidents d’universités ont écrit, le 23 juillet, à la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et à la ministre du travail, une lettre où nous réclamons de siéger au conseil d’administration de France compétences. Il est essentiel que l’enseignement supérieur y soit représenté. La loi a été votée, mais les décrets d’application attendus à l’automne peuvent nous accorder cette place.
Avez-vous reçu une réponse à vos courriers aux ministères ?
Nous avons eu zéro retour.