Après une condamnation historique, le glyphosate toujours défendu par son propriétaire
Après une condamnation historique, le glyphosate toujours défendu par son propriétaire
Au lendemain d’une condamnation inédite du géant de l’agrochimie américain, le groupe Bayer, propriétaire de Monsanto, a réaffirmé que le glyphosate était « sûr et non cancérogène ».
Dewayne Johnson et son avocat après l’annonce de la condamnation de Monsanto par le tribunal de San Francisco, le 10 août. / Josh Edelson / AP
Le groupe pharmaceutique Bayer, devenu propriétaire de Monsanto, a défendu samedi 11 août l’innocuité du glyphosate au lendemain d’une condamnation inédite du géant de l’agrochimie américain pour ne pas avoir informé de la dangerosité de son herbicide Roundup.
Malgré cette décision qui pourrait faire jurisprudence, le groupe pharmaceutique allemand ne semble pas vouloir arrêter la production du glyphosate, toujours plébiscité par les cultivateurs pour son efficacité et son faible coût, bien que très critiqué, notamment en Europe. « Sur la base de preuves scientifiques, d’évaluations réglementaires à l’échelle mondiale et de décennies d’expérience pratique de l’utilisation du glyphosate, Bayer estime que le glyphosate est sûr et non cancérogène », a déclaré un porte-parole de l’entreprise.
Quelques heures plus tôt, un jury d’un tribunal de San Francisco avait condamné Monsanto à payer près de 290 millions de dollars de dommages à Dewayne Johnson. Ce jardinier américain de 46 ans estimait que les produits de Monsanto, notamment le Roundup qu’il avait abondamment vaporisé pendant des années, avaient entraîné son cancer et que la multinationale avait sciemment caché leur dangerosité.
Les jurés ont déterminé que Monsanto avait agi avec « malveillance » et que son herbicide Roundup, ainsi que sa version professionnelle RangerPro, avaient « considérablement » contribué à la maladie de M. Johnson.
Satisfaction des associations écologistes françaises
En France, la lourde condamnation du géant agrochimique américain a été saluée. Pour le porte-parole de la Confédération paysanne, Laurent Pinatel, c’est « la preuve qu’il faut sortir des pesticides » :
« Ce jugement, c’est une nouvelle fois la preuve que les pesticides sont dangereux pour la santé, des utilisateurs en premier lieu – et donc des paysans et des paysannes –, et puis par ricochet aussi de ceux qui consomment les produits. Il faut absolument se donner les moyens de sortir des pesticides, de cette dépendance. »
Une sortie des pesticides nécessite selon le porte-parole du troisième syndicat agricole français « des moyens techniques avec la recherche et puis des moyens économiques aussi, car les pesticides, c’est un outil de compétitivité dans la guerre économique ».
« La justice agit là ou le gouvernement n’est pas présent, il faut que les citoyens continuent de se mobiliser pour que le glyphosate soit enfin interdit en France et en Europe », a pour sa part déclaré Suzanne Dalle, chargée de campagne agriculture chez Greenpeace France.
« Interdit dans ses principaux usages d’ici 2021 »
Le gouvernement a promis en mai que le glyphosate, classé « cancérigène probable » depuis 2015 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), serait interdit « dans ses principaux usages » d’ici 2021, et « pour tous les usages » d’ici cinq ans.
L’agriculteur Paul François, figure en France du combat contre Monsanto, a également accueilli avec « beaucoup de joie » cette condamnation aux Etats-Unis. En apprenant cette décision, le céréalier, lui-même en procès contre Monsanto, explique avoir pensé aux victimes des épandages de glyphosate en Argentine « souvent désespérées » « qui n’ont que leur courage pour se battre », aux Burkinabés « avec moins que rien » ou encore à « tous les agriculteurs qui ont développé les mêmes pathologies que ce jardinier américain ».
« La décision américaine ne pourra pas faire jurisprudence en France mais les avocats pourront s’en servir dans leur argumentation », estime le président de l’association Phyto-victimes et auteur du livre Un paysan contre Monsanto. Même si « cette condamnation n’est pas définitive », « le délibéré est fort et stipule que Monsanto a manqué à son devoir de bienveillance vis-à-vis de ses clients, à son devoir d’information sur les risques », ajoute-t-il.
L’agriculteur charentais Paul François avait lui été intoxiqué en avril 2004 après avoir inhalé des vapeurs de Lasso, un herbicide de Monsanto qu’il utilisait dans sa culture du maïs. Après des années de procédure, Monsanto a été reconnu responsable de l’intoxication de cet agriculteur devant la cour d’appel de Lyon en septembre 2015, mais cette décision a ensuite été annulée à l’été 2017 par la Cour de cassation. Son dossier sera à nouveau débattu le 6 février 2019.