Accusé de viol, un dirigeant politique sud-coréen acquitté
Accusé de viol, un dirigeant politique sud-coréen acquitté
Par Manuel Ausloos
L’ancienne étoile montante du Parti démocrate au pouvoir, An Hee-jung, était accusé d’avoir violé plusieurs fois sa secrétaire. L’affaire avait émergé dans le sillage de #metoo.
Ahn Hee-jung à Séoul, le 14 août. / JUNG YEON-JE / AFP
C’est un coup dur pour le mouvement #metoo en Corée du Sud. Le dirigeant politique An Hee-jung, accusé de viol par sa secrétaire, a été acquitté par un tribunal de Séoul, mardi 14 août. Pressenti un temps pour succéder en 2022 au président Moon Jae-in, ce gouverneur de la province du Chungcheong du Sud avait présenté ses excuses et démissionné, avant d’être exclu du Parti démocrate, au pouvoir, puis inculpé.
Dans une interview télévisée diffusée en mars, Kim Ji-eun, la secrétaire de M. An, l’avait accusé de l’avoir violée quatre fois depuis son embauche, en juin 2017. Elle expliquait s’être sentie contrainte de se plier aux désirs de son supérieur à cause de sa position hiérarchique.
Poursuivi pour plusieurs chefs d’abus sexuels et d’abus sexuels en situation d’autorité, An Hee-jung a été totalement acquitté en l’absence de preuves suffisantes aux yeux de la cour. « Il y a aussi beaucoup de choses qui posent question ou qui sont incompréhensibles dans le témoignage de la victime », a estimé le juge.
« Je vais m’efforcer de renaître »
Bien qu’il ait reconnu que les relations avec son employée avaient eu lieu, le politicien de 53 ans maintenait qu’elles avaient été librement consenties. Le parquet a annoncé son intention de faire appel de la décision, qu’il juge « difficile à comprendre ». S’exprimant brièvement à la sortie du tribunal, M. An s’est dit « honteux » : « Je vous ai tous déçus. Je vais m’efforcer de renaître. »
Dans une société coréenne encore largement dominée par les hommes, Mme Kim est l’une des rares femmes à avoir publiquement évoqué des agressions sexuelles. Elle a dit s’être sentie encouragée par le mouvement #metoo aux Etats-Unis. Sa prise de parole lui avait valu le soutien de groupes de défense des droits des femmes, dont quelques membres étaient présentes le jour du verdict.
Les révélations s’étaient multipliées en Corée dans le sillage de l’affaire Weinstein, mais la déclinaison coréenne de #metoo a véritablement démarré le 28 janvier, quand la procureure Seo Ji-hyeon avait révélé s’être fait agresser par un supérieur du ministère de la justice lors de funérailles, en 2010. Les prises de parole s’étaient alors multipliées, éclaboussant de nombreuses figures du monde des arts et de la politique.
Vidéos en ligne
Devant la montée de la grogne, le gouvernement avait annoncé en mars un plan pour lutter contre le harcèlement sexuel en milieu professionnel. Parmi les mesures proposées figure une extension de la loi sur les relations sexuelles par abus d’autorité. Le ministère du travail s’est engagé à mettre sur pied un système pour que les victimes puissent dénoncer anonymement leurs agresseurs.
Le samedi 4 août, une marche d’une ampleur inédite avait réuni 70 000 femmes dans les rues de Séoul, pour protester contre l’impunité dont jouissent les hommes qui filment des femmes à leur insu pour ensuite mettre les vidéos en ligne, une pratique baptisée molka en Corée du Sud. Quelque 6 500 signalements ont été notifiés à la police en 2017. La plupart des dénonciations ne se soldent cependant aujourd’hui que par une simple amende.