Battue par son mari et menacée d’expulsion pour nuisance sonore
Battue par son mari et menacée d’expulsion pour nuisance sonore
Par Isabelle Rey-Lefebvre
Cette mère de deux enfants est sous le coup d’une expulsion de son HLM pour les nuisances sonores provoquées par les coups de son mari. Marlène Schiappa réclame des explications au bailleur.
Elodie W., 37 ans, son compagnon et leurs deux jeunes enfants habitent, depuis juillet 2016, un trois-pièces à La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine), propriété du bailleur social Immobilière 3F. Des voisins s’étant plaints de graves troubles de voisinage, des cris, des hurlements de la femme et des enfants, de façon continuelle, l’organisme HLM a assigné la famille W. pour « trouble de jouissance » et réclamé son expulsion. Le 29 juin, le tribunal d’instance de Colombes lui a donné satisfaction et, dans la foulée, Immobilière 3F a adressé un commandement à la famille, lui sommant de quitter les lieux au plus tard le 12 septembre, sentence dont Elodie W. a fait appel, comme l’a révélé Le Parisien dans son édition du 12 août.
Devant le juge, Elodie W. a pu faire valoir qu’elle était victime de violences de la part de son compagnon et a produit, à l’appui de ses dires, une plainte enregistrée le 30 mai par le commissariat, qui avait entraîné deux jours d’invalidité totale. La vie familiale a tourné au cauchemar lorsqu’Elodie W. a dû cesser de travailler comme serveuse dans la restauration en raison d’une fracture au poignet. Selon elle, le comportement de la gardienne, qui ne cesse d’invectiver et de frapper presque quotidiennement avec son balai au plafond, « ajoute au climat d’anxiété, avec insomnies, et oblige à un contrôle permanent des enfants qui augmente la tension dans la famille », comme en témoigne l’attestation, produite à l’audience, d’une psychologue. Elodie W. déplore aussi « qu’aucun des voisins ne [soit] venu à [son] secours en dépit des hurlements ».
« Manquements graves »
« Justement, souligne la juge Marie-France Savay-Coroyer dans sa décision, les attestations produites par les défenseurs ne démentent pas les faits. Au surplus, la plainte déposée pour violence conjugale par madame W. ne fait que corroborer les troubles évoqués. » « Tous ces bruits, menaces et intimidations dépassent les inconvénients ordinaires du voisinage et (…) sont constitutifs de manquements graves et répétés aux obligations du bail. Peu importe que soit évoqué le départ de monsieur des lieux, le trouble de jouissance étant établi, il convient de prononcer la résiliation du bail », souligne la présidente du tribunal, qui rappelle que « les bruits de toutes natures, quelle que soit leur source, dès lors qu’ils sont nuisibles par leur intensité et leur caractère répétitif et de nature à troubler le repos et la tranquillité des occupants de l’immeuble, sont formellement interdits de jour comme de nuit ».
« La lecture du jugement m’a scotchée, s’indigne Migueline Rosset, avocate spécialiste en droit de la famille, qui assiste Elodie W., tout comme la célérité de l’organisme HLM à les faire déguerpir alors qu’une procédure de séparation du couple est en cours et que le compagnon violent a quitté les lieux, ce qui devrait pacifier la vie de l’immeuble. »
Du côté du bailleur, la gêne est réelle : « Nous travaillons en bonne intelligence avec l’association qui soutient madame W. et envisageons, à sa demande, un relogement, son loyer actuel étant, de toute façon, trop élevé. Nous ne cherchons qu’à la protéger », plaide le service de communication d’Immobilière 3F.
La secrétaire d’Etat à l’égalite femmes-hommes, Marlène Schiappa, a réclamé des explications au bailleur 3 F.
Une femme qui subit jusque dans son domicile des violences conjugales doit être aidée, pas expulsée !La société to… https://t.co/S6oz8HrH28
— MarleneSchiappa (@🇫🇷 MarleneSchiappa)
« Est-ce habituel pour votre groupe d’expulser des locataires au motif qu’elles sont victimes de violences dans leur domicile ? », l’a-t-elle interrogé dans un courrier adressé le 12 août et rendu public via Twitter mardi 14 août, non sans rappeler au passage que la non-assistance à personne en danger est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. « L’égalité femmes hommes est la grande cause nationale du quinquennat et requiert la mobilisation de tous », conclut la missive.